mercredi 30 juin 2010

A contre-courant

Hier, à la National Gallery, j’ai assisté au premier cours d’une série sur l’art français du XVIIIe siècle. J’avais oublié que c’était un cours, et j’ai été un peu décontenancée quand la prof s’est mise à nous poser des questions ! Nous avons commencé en décortiquant le tableau de Fragonard (Psyché montrant à ses soeurs les cadeaux de Cupidon). J’ai hâte d’y retourner !
Quand nous avons parlé de Hogarth et de la façon dont il se moquait de la peinture française de son époque, j’ai soudain pensé à mes profs de Maîtrise à Tours. Nous travaillions sur Hogarth – je conserve précieusement le dossier que nous utilisions – et ils parlaient (le cours se faisait à trois) du peintre et de son autoportrait à la National Portrait Gallery qui jouxte la National Gallery. Personne parmi nous (nous étions 6 étudiants) ne connaissait ces endroits (aller à Londres à l’époque c’était la croix et la bannière et nous rêvions d’Amérique). Je me souviens d’une prof nous disant « Voyons, à gauche c’est la National Gallery! ». Je ne savais pas où c’était, je ne m’imaginais pas Londres, alors la gauche de ce mystérieux endroit... Et voilà, me suis-je dit, je suis à la National Gallery dans une aile qui n'existait pas du temps de mes profs, on me parle de Hogarth, dehors c’est Trafalgar square ensoleillé... J’ai eu l’impression que je n’assistais à ce cours que pour effacer ce petit commentaire de ma prof d’alors... Ça m’a fait quelque chose...
Aujourd’hui, dernière grande réunion. J’aimerais être un poisson.

mardi 29 juin 2010

Ah ! que c’est bon de rire!

Le chercheur dort

Coq de roche il éclate aux montagnes Rocheuses
Ton cri de roc en roc
Eveillant dans leur couche humide les chercheuses,
Les chercheuses d’or, coq !

Jean Cocteau
Poèmes à apprendre par coeur (Anthologie, Folioplus Classiques)
Il pleure dans mon coeur comme il pleut sur la ville... Non, du poème de Verlaine seule une partie est vraie : il se contente de pleuvoir sur Londres après un chapelet de journées dignes de la Côte d’Azur.
J’aime la sensation d’avoir le coeur qui déborde pour une raison que je ne saisis pas toujours clairement, avec cette petite peur, si c’est en public, de ne pas pouvoir endiguer mes larmes. L’abandon, le relâchement, la perte de contrôle que permet une émotion. Hier j’ai eu un fou rire devant Whatever works de Woody Allen, et ce matin je me sens régénérée.

lundi 28 juin 2010

Les chevaux du Temps s’arrêtent à ma porte (Supervielle)

J’ai rêvé que dans le ciel passaient des nuages en forme de cheval comme celui-ci (ici). Le ciel était couvert de chevaux blancs. En me rappelant ce rêve, je l’ai trouvé très beau et reposant. Puis j’ai fait le rapprochement entre ces beaux chevaux blancs et des cheveux blancs. Etrange, alors que débute la semaine de mon anniversaire...

dimanche 27 juin 2010

Sans dessus dessous

Dans la région supérieure, le ciel était bleu, le soleil éblouissait les yeux de son éclat, les températures atteignaient des sommets olympiens. Pourtant, hier, j’étais underground, dans une demeure souterraine en forme de caverne, enchaînée (de mon plein gré) pendant 5 heures, devant le superbe film de Roberto Rossellini : The Age of Cosimo de Medici (1973). Il ne faut pas s’étonner que ceux qui se sont élevés à ces hauteurs ne veuillent plus s'occuper des affaires humaines, et que leurs âmes aspirent sans cesse à demeurer là-haut, même si pour cela il fallait aller en bas, c’est-à-dire dans les sous-sols du British Museum.
C’est sans regret que je laissais à d’autres le temps estival au-dessus : j’aime l’ambiance qui règne parmi les spectateurs d’un film au long cours: ces contacts qui se nouent, ces sourires, le temps d'une traversée... Chacun chérit sa place, même si elles n’étaient pas numérotées. Dans cette bulle de douceur et de gentillesse, j’étais un peu transportée de mon vivant aux îles Fortunées.Ce film – à l’origine une série télévisée en trois épisodes – nous plonge dans la Renaissance italienne, à Florence surtout, sous Cosme de Médicis (1389-1464), le fondateur de la dynastie. Il se termine sur la célèbre promenade qu'effectue l’architecte Leon Battista Alberti (qui était aussi peintre et philosophe) avec Lorenzo, le futur Laurent le Magnifique (petit-fils de Cosimo), parmi les ruines de Rome, qui lui inspirent une réflexion sur les bienfaits de l’éducation et de la curiosité intellectuelle.
Même si c’était parfois difficile de comprendre ce qui se tramait – il aurait fallu connaître l'histoire de la Péninsule sur le bout des doigts – on arrivait à saisir le foisonnement intellectuel de l’époque avec, par exemple, la diffusion des écrits des auteurs arabes, grecs et romains pour lesquels Cosimo dépensait des milliers de florins. Mais ce qui m’a le plus émerveillée – c’est le mot juste – c’est quand Alberti, dont le rêve est de redonner son prestige et sa beauté à une Rome « envahie par les chèvres et repère de brigands », descend dans un souterrain pour montrer, au futur pape Nicolas V, les ruines romaines et les trésors qu’elles recèlent. Combien j’aurais aimé assister aux fouilles de Rome! C’était amusant de se dire qu’à l’étage au dessus de ma caverne s’étalaient de nombreux objets et statues découverts à Rome à l’époque d’Alberti ainsi que des dessins de ses artistes les plus prestigieux...
Le musée fermait ses portes quand j’ai émergé des ténèbres à la lumière encore vive du jour finissant. Mais plongée dans le noir, j’avais vu mille fois mieux que les habitants de ce séjour pour avoir contemplé en vérité le beau, le juste et le bien. (Merci à Platon pour ses allégories !)

samedi 26 juin 2010

La table de travail enchantée

Il suffit parfois d’une table pour garder son assiette.
Si j’avais su, je l’aurais mise plus tôt dans ma chambre, cette petite table sixties désuète, plus table de camping que de cuisine. Mon bureau encombré n’est pas très pratique quand on aime comme moi s’étaler. « Je ne viens pas demain, je travaille chez moi ». Quand quelqu’un dit cela à la fac, on le regarde d’un air goguenard et les mauvaises langues s’en donnent à coeur joie. Mais moi je n’aime rien mieux que d’aller à ma table de travail... à un mètre de mon lit ! Cette table m’attire irrésistiblement, elle me donne encore plus envie de travailler, et tout m’est prétexte pour m’y asseoir. C’est une table qui me stabilise. Elle donne envie d’écrire et de prendre des notes. Pire, elle donne envie de corriger des copies !
Loin d'elle je la couve des yeux. Quand je rentre, il faut j’y dépose mon livre, j’y laisse ouvert mon agenda comme si je ne savais pas ce qu’il y avait dedans, j’y empile des dossiers... J’aime faire la navette entre elle et mon bureau – à moins d’un mètre l’un de l’autre ! - pour vérifier quelque chose sur mon ordinateur ou imprimer un document...
C’est vraiment un jeu et ces derniers temps je me suis amusée comme une petite folle. Tant et si bien que logiquement cette table magique devrait retourner un peu plus tôt que prévu à sa place initiale... Mais elle exerce un tel pouvoir sur moi que cet été, c’est décidé, je ne ferais pas table rase !

vendredi 25 juin 2010

Un plat pays

Il paraît que c’est très plat, le Nebraska. Même l’eau y est plate (en langue Otoe, Nebraska veut d’ailleurs dire eau plate). La seule image que je connaisse du Nebraska est en noir et blanc : c’est celle de la route qui menait nulle part sur la pochette du disque de Bruce Springsteen intitulé Nebraska. Il ne donnait pas envie d’y aller, Bruce, au Nebraska. C’est son album le plus sombre, il y chante d’une voix lugubre, la pochette est rouge et noire ... Je me souviens qu’au moment de sa sortie, les avis étaient partagés, les moues dubitatives : après le fringant The River qu’on écoutait en boucle, Nebraska plombait l’ambiance et surprenait. Certains prenaient des airs importants et disaient que nous n’y connaissions rien, que c’était le plus bel album du Boss.
Avant hier matin, je n’avais jamais eu la curiosité de regarder où se trouvait exactement le Nebraska sur la carte des Etats-Unis. J’ai appris qu’il était bordé à l’Ouest par le Wyoming, au nord par le Dakota du sud, à l’est par l’Iowa, au sud par le Kansas et le Colorado. Bref, il est un peu au centre des Etats-Unis. Etienne de Bourgmont, un explorateur français, lui a donné le nom de Nebraskier en 1714. La plus grande ville du Nebraska est Omaha et la capitale de l’état est Lincoln. Hier j’ai envoyé une lettre à Lincoln, la capitale du Nebraska. Un bouquin va sortir et j’ai écrit dedans. Il paraît que la maison d’édition n’est pas mal du tout, même si le Nebraska évoque plus des champs à perte de vue que la vie intellectuelle new-yorkaise ! Et même s’ils fabriquent ce bouquin dans une baraque en rondins sur une antique presse comme on en voit dans les westerns, avec un éditeur qui a une toque en castor sur la tête, qu’importe ! Je plaisante. S’il y a des Nébraskiens qui me lisent, qu’ils veuillent bien me pardonner. Maintenant je suis Wanted au Nebraska ! Où est l’album enchanteresque de Bruce, que je le ré-écoute sur le champ !?

jeudi 24 juin 2010

Je suis venu dans le monde comme un soleil neuf

Ne perds pas une seule parcelle de la lumière que tu détiens
Saisis fermement le noeud de ton être
Il est plus beau d’augmenter son propre éclat
Et d’en éprouver la splendeur à la lumière du soleil
Examine-toi toi-même
Crée un être vivant
Seul, un être ainsi vivant est digne de louanges
Sinon, le feu de l’existence ne serait que fumée

Mohammad Iqbal 1877-1938
Poète et philosophe pakistanais
Se réveiller et se laisser susurrer un poème de Mohammad Iqbal à l’oreille, comment résister ensuite à faire du jour qui se lève un beau jour, certes studieux, mais sans interférences de l’extérieur, donc agréable et reposant ?
Sans interférences ? Pourtant la radio est sans cesse allumée... on joue à saute-mouton, de l’aurore à la nuit profonde, avec toutes les radios possibles... on ne quitte pas l’Internet au cas où l’on voudrait se renseigner sur les sorties ciné de la semaine, commander sur un coup de tête Les vies et doctrines des philosophes de Diogène Laerce ou vérifier pour la énième fois si ses blogueuses préférées ont mis à jour leur site ...
Mais ce n’est pas la même chose, ces ondes-là je les accueille chez moi avec gratitude. Je peux alors imaginer vivre dans un coin reculé de la campagne, loin de tous ces « occupés » comme les appelait Sénèque, empêcheurs de tourner en rond.
J’adore les journées où je ne suis qu’à l’écoute, passées à lire et à écrire, où le seul son qui passe mes lèvres est celui du rire pour une blague entendue à la radio.
Et le soir, quand on s’écoute un peu soi-même, on s’aperçoit, après une telle journée, qu’on a attisé « le feu de notre existence ».

mercredi 23 juin 2010

L’aveu : J’ai très peur des fourmis, Sylvia !

Il avait dit : vous n’avez pas peur des fourmis j’espère ? Il suffira de leur donner une pichenette, c’est tout ! J’ai crâné en disant « pas de problème », mais j’ai tout de suite envisagé être dévorée toute crue par ces horribles petites bêtes. De fourmis, nulle trace... Mais des coccinelles jaunes voraces, des insectes ailés inconnus au bataillon, oui... et surtout il y avait de minuscules araignées rouges qui grouillaient de partout. Heureusement qu’on a eu pitié de moi et qu’on a fini par lever le camp ! Si je ne supporte pas les insectes inoffensifs d’un petit jardin du nord de Londres, que faire si l’historien Michael Wood – celui qui a fait le génial Sur les traces d’Alexandre le Grand - me supplie de l’accompagner à travers la jungle amazonienne sur les traces des cités mayas disparues ? Je me connais, je dirais « chiche ! », mais une fois sur place... à la première fourmi rouge géante... Une chose me rassure, il n’y a aucun risque qu’il me le demande !

mardi 22 juin 2010

Eschyle, à la rescousse!

Quelqu’un disait sur France culture, à propos du Taoïsme, que son essence était de : « Ne jamais en rajouter ». Si j’applique cette règle du Tao à certaines affaires qui me préoccupent en ce moment, c’est clair, je ne suis pas taoïste pour deux sous ! Il n’y a pas que moi d’ailleurs... La règle est plutôt inverse : il faut en rajouter, il faut dramatiser. Ça me mine terriblement le moral. Comment être heureux – ou tout simplement bien dans ses baskets - quand personne ne l’est autour de soi, quand personne n’est optimiste... C’est insupportable. Et même si on essaye d’aller bien, rien à faire, il faut se mettre au diapason, il faut en rajouter sur le sombre avenir qui nous attend. Je n’en peux plus.
En me réveillant ce matin, la première chose qui me soit venue à l’esprit c’est : Est-ce que c’est important tout ça ? Je me demande ce que j’étais en train de rêver pour avoir cette phrase à l’esprit... Ce qui est important par exemple c’est de sentir l’angoisse monter quand Agamemnon pénètre dans le palais où Clytemnestre va sauvagement l’assassiner, sous les cris de Cassandre qu’il a ramenée captive de Troie : « Ah ! horreur ! horreur ! que vois-je ? N’est-ce point un filet d’enfer ? ». Etrange combien cette Cassandre de papier, dont je lis les lamentations dans un petit café tranquille, loin de tout, me fait du bien, me rassure, me montre qu’il y a autre chose de plus beau, de plus grand, de plus fondamental que la vie que nous font miroiter (certains) de mes contemporains.

lundi 21 juin 2010

Eres nube. Eres mar, eres olvido

Dans le ciel passent un cheval blanc et son cavalier : Bellerophon chevauchant Pégase ?
No habrá una sola cosa que no sea
una nube. Lo son las catedrales
de vasta piedra y bíblicos cristales
que el tiempo allanará. Lo es la Odisea.
que cambia como el mar. Algo hay destino
cada vez que la abrimos. El reflejo
de tu cara ya es otro en el espejo
y el día es un dudoso laberinto.
Somos los que se van. La numerosa
nube que se deshace en el poniente
es nuestra imagen. Incesantemente
la rosa se convierte en otra rosa.
Eres nube. Eres mar, eres olvido.
Eres tambien aquello que has perdido.

Jorge Luis Borges
Pas une chose au monde qui ne soit Nuage. Nuages, les cathédrales, pierre imposante et bibliques verrières, qu'aplanira le temps. Nuage l'Odyssée, mouvante, comme la mer, neuve toujours quand nous l'ouvrons. Le reflet de ta face est un autre, déjà, dans le miroir et le jour, un labyrinthe impalpable. Nous sommes ceux qui partent. Le nuage nombreux qui s'efface au couchant est notre nuage. Telle rose en devient une autre, indéfiniment. Tu es nuage, tu es mer, tu es oubli. Tu es aussi ce que tu as perdu.Ici, c'est un homard qui flotte au dessus du Quartier Latin...
Et cet après-midi-là, une étrange flotille survolait la Place de la Concorde.

dimanche 20 juin 2010

الرحلة

Fragment de tuile provenant d’un rebord de fenêtre (alfeizar), Boudoir de la Reine, Alhambra de Grenade, datant du règne de Mohammed V (1362-91) - ICI.
Pendant longtemps l’Ibn Battûta était pour moi le bateau des vacances qui faisait la traversée entre Tanger au Maroc et Algesiras en Espagne, avec des dauphins dans son sillage. Je sais depuis qu’ Ibn Battûta (1304-1368/78) est un grand voyageur qui est allé jusqu’en Chine, surpassant les exploits de Marco Polo. Quand nous allions de Tanger jusqu’à notre lieu de villégiature dans la province de Grenade, nous suivions le même parcours que lui quand il parcourait Al Andalus en 1350.
Quand j’ai vu cette tuile dans une vitrine du British Museum, j’ai repensé avec nostalgie à ma dernière visite à l’Alhambra. Et puis des images me sont venues de ces beaux voyages entre le Maroc et Grenade. Je n’étais pas consciente à l’époque de la chance que j’avais de les vivre et qui sait, c’est peut-être pour cela qu’ils ont laissé tant de traces dans ma mémoire. En écrivant cela, j’entends le ronronnement des moteurs des camions, pleins à rabord de fruits et de légumes, que l’on croisait sur la route entre Casablanca et Tanger et qu’il était si difficile de doubler.

samedi 19 juin 2010

Ein Zimmer in einem Traum

Where is the outwardness / to what lies here, within?
Whose wound was ever dressed, / bandaged in such fine linen?Reflected here, what skies / lie open and at ease
as in a lake within / these open roses / in which all softly rests
as if no accidental hand / could shake or make it spill?Unable to contain / the riches that are theirs
they pour out the excess / sharing their inwardness
to enrich the days; until / the whole of summer seems
one great room, a room within a dream.

Rainer Maria Rilke

Hier, un de mes étudiants, psychologue de son état, m’a dit une chose qui m’a plongée dans une très grande perplexité. Il m’a dit que cette heure passée avec moi était, dans sa semaine, le moment le plus dé-stressant qu’il connaissait. Il m’a expliqué pourquoi mais ma modestie m’empêche de le rapporter ici ! Un psy me disant que je lui enlève son stress... c’est le monde à l’envers... Alors, moi qui venais de vivre trois journées éprouvantes qui me plombent le moral, cette consultation gratuite a suffit à me faire retrouver une certaine sérénité.

Maintenant, que vienne l’été et sa chambre nichée dans un rêve!

vendredi 18 juin 2010

Partir en carafe

Il y a quelques jours (ici) je citai un vers du poète iranien Fereydoun Moshiri : La passion de te voir déborda de la carafe de mon existence. Je ne saurais dire combien j’aime ce vers et combien il me parle. Cette image de « carafe de mon existence », qu’est-ce qu’elle signifie exactement ? J’aime prononcer le mot carafe qui sonne comme un mot arabe. Et l’image qui me vient à l’esprit ce sont ces carafes que l’on voit dans les natures mortes, de Chardin par exemple, ou celles des peintres flamands, et dans les miniatures persanes, évidemment. Je voulais voir des carafes et des carafes et des carafes... et où aller d’autre qu’au British Museum pour cela ? Surtout au milieu d’une journée harassante, c’est un bain de Jouvence. J’imagine que dans les carafes de ce calife ont trouve des vins les plus fins.J’aimerais que la « carafe de mon existence » soit aussi belle que celles-ci ! Si l’existence est contenue dans une carafe, vu la forme de ce récipient, il faudrait déborder de vie pour éviter qu’elle tourne en rond et stagne. Il faudrait souvent éprouver de la passion, souvent "le" voir, alors.Mais tous comptes faits, s’il fallait choisir, ma carafe je voudrais qu’elle ressemble à celle que transporte ce petit chameau. Dans un matériau simple, mais solide. Qu’elle ne contienne pas de vin rare mais de l’eau, tirée d’une source claire.

jeudi 17 juin 2010

Celui qui l’aperçoit se réjouit

Enfant je tentais de l’apercevoir, en me retournant brusquement ou en me tortillant devant une glace... on m’avait dit que j’avais un ange gardien qui me suivait partout. Pourquoi pensais-je qu’il se tenait derrière moi et pas à mes côtés ou au-dessus de moi comme cet ange de Notre-Dame en équilibre ? Pourquoi ne me contentais-je pas d’y croire ? Aujourd’hui je pense que cet ange a pour nom le « bon sens » ou la « sagesse intérieure », mais, malheureusement, ils ne sont pas aussi constants chez moi que l’était sa présence protectrice.
J’ai appris récemment la signification du nom de la ville de Samarra en Irak. Au IXe siècle, le calife abbaside Al-Motasim avait appelé sa capitale : Sorra man ra’a (celui qui l’aperçoit se réjouit). J’aime le choix du verbe « apercevoir ». Peut-être nous ne nous rendons pas à Samarra, mais on voit de loin le dôme de la Mosquée d’Or, et ça nous suffit pour être heureux. Peut-être c’est notre destination, nous sommes fourbus, la fin du voyage approche, quand au détour du chemin on distingue enfin, au loin, quelques toits de la ville. Etait-ce une ville splendide comme Bagdad et se félicitait-on à l’avance des beautés sur lesquelles nos yeux se poseraient ?
Il y a une idée de mouvement dans le fait d'apercevoir, de révélation et de disparition soudaine. Quelqu’un passe près de nous, le temps de se retourner, il a disparu; ou bien c’est nous qui bougeons, et qu’une voiture emporte. Mais le souvenir de cette rencontre furtive continue encore longtemps de palpiter. Oui, décidemment, j’aime le verbe apercevoir.

mercredi 16 juin 2010

Par sa vie, par ses discours, par son visage... (Sénèque à Lucilius)

La passion de te voir déborda de la carafe de mon existence.

Fereydoun Moshiri (1926-2000)
Derrière ces feuillages, pour encore longtemps, Guirlandes de bal musette, Au bout de cette allée... c'est bien qu'il existe.

mardi 15 juin 2010

Sur la route aiguisante du bonheur

Qu’est-ce que ça veut dire, la « route aiguisante du bonheur »? Si je m’écoutais je passerais la journée à réfléchir à ce vers de René Char. Mais je dois travailler, sur le fil du rasoir...

lundi 14 juin 2010

Du pain et des jeux

La fébrilité s’empare de la ville à quelques heures du coup d’envoi : on ne parle plus que de ça, les commerçants baissent leur rideau, les voitures sont sagement garées, les rares piétons hâtent le pas... Il y a un bémol à toutes ces banderoles, à tous ces drapeaux rouges et blancs qu’on laissera pendouiller à la fenêtre jusqu’aux premières neiges et qui font croire que les voitures qui les arborent ont à bord la reine d’Angleterre: on sait à quoi mène un trop grand amour du drapeau. Heureusement que je ne suis pas la seule que cela met mal à l’aise.J’écoute les matchs à la radio, d’une oreille, sur Bienvenue au club sur Europe 1. Samedi soir, alors que l’Angleterre jouait, j’ai senti que les commentateurs auraient tout donné pour que les USA gagnent. Ils n’étaient pas du tout fair play envers les Anglais. C’était flagrant et triste. Cela était très bizarre d’entendre les voisins suivre avec ferveur le match de l’équipe anglaise et d’écouter des commentaires peu flatteurs en même temps. Moi j’aimerais qu’on fête la venue de l’été, qu’on célèbre la fin d’un hiver et d’un printemps rudes, par des jeux, qu’on mélange les joueurs, que chaque équipe soit composée de sportifs de tous les pays, et qu’ils s’amusent, nom d’un petit bonhomme !

dimanche 13 juin 2010

Au premier chef


Hélas pour toi, si tu ne danses pas comme la fleur avec la brise
Hélas pour moi, si le soleil ne m'est pas enivrant
Hélas pour nous, si nous ne saisissons pas la volupté du printemps

Fereydoun Moshiri
J’ai fini par ranger autour de moi : les papiers amoncelés ont fini dans des pochettes transparentes, et ces pochettes dans des classeurs. Maintenant, le raffinement extrême serait de classer ces pochettes par thèmes... Et sous ce désordre j’ai retrouvé des articles que j’avais mis de côté pour moi et mon carnet à moi. Un carnet de notes mais pas de celles dont on peut faire des moyennes. Des articles qui ne concernent ni la biodiversité, ni l’engagement politique des jeunes français, ni la répartition des tâches ménagères chez les couples bobos du bas Poitou !Etrange comme il est facile de perdre le fil de sa vie, de se perdre de vue et de prendre un autre pli, tout en croyant que rien n’a changé, et que les petits désagréments qui s’accumulent sont à mettre sur le compte de changements climatiques ou d’emails fâcheux. Quelle fuite en avant...
Lors de la conférence sur Leonard de Vinci, on nous a montré une page d’un des carnets du peintre sur laquelle il avait noté, de façon très ordonnée, très méthodique, tous les mots ayant trait aux armes et au combat. Il avait différents carnets, de toutes les tailles, ayant chacun une fonction particulière. En retrouvant mon propre carnet oublié depuis avril, j’ai soudain pensé à Léonard de Vinci : je l’ai imaginé prendre son temps pour consulter des encyclopédies, et s’appliquant pour compiler tous ces mots... Je ne lui ai pas envié sa plume et ses dessins, mais tout le temps qu’il avait consacré à cette tâche qui l’intéressait. Maintenant j’ai envie de prendre impunément mon temps, moi aussi, pour faire ce qui m'intéresse au premier chef.

samedi 12 juin 2010

Soyons philosophe...

Peut-être était-ce parce que j’allais chez les Philosophes – où officie un certain R. qui devrait l’être un peu plus parfois – que je me posais la question suivante : comment faut-il vivre ? Doit-on vivre comme Mithridate VI et prendre chaque jour une petite dose de poison pour mieux s’immuniser contre leurs effets ? Ce qui permettrait d’avaler toutes les couleuvres possibles avec... philosophie... Mais tous les jours... du poison... Doit-on vivre dans le luxe, le calme et la volupté ? S’entourer de gens charmants qu’on aime et qui vous aiment ? Avoir des passions variées et des buts élevés ? Sourire à la vie ? Mais que faire si on rencontre un être mesquin ?
Je me demande bien ce que Nietzsche, Descartes ou Erasme – il y avait aussi sur les murs les portraits de Locke, de Hobbes, de Burke et de Kant – pensent de ça.A défaut de Volt-aire, c’est avec « R » que j’ai vire-volté dans le jardin des Philosophes à deux pas du centre du monde (je veux dire du British Museum, bien sûr).Un beau chat blanc nous y attendait, qui humait des pâquerettes. Indifférent et soyeux.Peu à peu la contrariété du matin – pourquoi est-ce toujours un email qui me les amène ? - s’est estompée. Je suis allée à ma réunion très adoucie. Je me suis offert de nouvelles boucles d’oreille et, alors que la journée était aussi grise que celle de la veille, le soleil est sorti et s’est mis à briller de tous ces feux quand je suis rentrée chez moi. Pour ajouter à mon bonheur, mon supermarché préféré importe de nouveaux les meilleurs yaourts du monde : les Perles de lait... Et j'avais du courrier! Nul besoin ce week-end de me plonger dans les oeuvres complètes de Friedrich ou de René : il suffit que j’ouvre les yeux et le coeur pour connaître la réponse à ma question du matin !