mercredi 1 septembre 2010

Pourriels

Jeter un filet dans l’océan des vacances pour y pêcher tout ce qu’on a appris de bien, d’utile, sur soi, sur la vie, et laisser filer tout ce qui n’est pas énergie positive, tout ce qui décharge les batteries, et assombrit le ciel. Et comme on pense mieux en marchant, se promener. Mais il y avait un hic dans ce joli programme : mon objectif n’est-il pas de barboter toujours dans de « bonnes ondes » ? Je n’étais pas dupe : je savais que je faisais tout cela contre le 1er septembre, contre le tsunami d’emails qui m’attendaient. Je savais qu’il y en aurait au moins un qui me donnerait envie de me noyer... Quand je me suis mise en route c’était vraiment ambiance Pour qui sonne le glas?Je sais que j’aurais dû aller directement dans le parc lire la magnifique bio de Toulouse-Lautrec au soleil au lieu d’écouter Philippe (Sollers) me parler de la laideur universelle, de la servitude volontaire et de « la liberté que l’on se donne » et Fabrice (Luchini), l’éternel angoissé, pour qui le bonheur n’est qu’une affaire de secondes par ci par là, tout en descendant Whitehall où le pauvre Charles 1er a perdu la tête. Je suis passée à la National Gallery où on m’a dit que leur Toulouse-Lautrec n’était pas accroché... Quand je suis arrivée dans le parc, trois personnes s’amusaient avec une consternante crotte en plastique téléguidée... à la grande joie d’une foule de badauds. Dans mes oreilles Philippe Sollers disait qu’un jour le Beau serait hors-la-loi... J’ai essayé de lire sur un banc mais j’ai fermé les yeux. Qu’est-ce qui me gâchait la vie, là, sur ce banc intranquille, et qui m’empêchait de jouir du ciel bleu, du soleil, du silence, de mon livre, de ma bonne santé, de ce jour libre, de la minute qui passait ? Je ne vous raconte pas le combat que je me suis livré. Mais même après m’être suppliée à genoux de me donner un peu plus de temps, mon sens des responsabilités et mon professionnalisme m’ont décidée à lire mes emails au risque d’en avoir certains qui feront monter mon adrénaline au ciel comme un Spoutnik ! C’est ça ou la phobie me guette... Je ne vous dis pas quels pots-de-vin je me suis proposés, quelles idoles britishmuseumesques j’ai invoquées, quelles réjouissances je me suis fait miroiter, quelles solutions radicales j’ai envisagées, pour obtenir quelques jours, quelques heures de plus... Bref, dans cette chaleur je me suis résolue à avoir du sang-froid.Voilà, j’ai lu mes emails ce matin. Oui, ils étaient très nombreux. Et bien sûr, il y en avait bien un qui tenait ses promesses de bêtise et d’absurdité. Evidemment, j’ai vu rouge. C’est comme si je découvrais un foyer d’incendie. J’ai fait tout ce qui était en mon pouvoir pour l’éteindre.
Alors que j’étais assise sur mon banc, deux hommes sont passés, et comme le Parlement est tout proche, je me suis fait tout un cinéma, comme quoi ils étaient députés ou même ministres et que leur prise de bec portait sur un problème de la plus haute importance. C’est comme si je voyais ma prise de tête passer sous mes yeux et s’éloigner de moi à grandes enjambées. J’ai pensé soudain que le plus souvent, les montagnes accouchaient de souris. Il y a des choses bien plus importantes et cruciales dans la vie, non ? Et comme sa statue me tombe par hasard et très souvent sous les yeux en ce moment, j’y ai vu un clin d’oeil d’Iris, la messagère des dieux, qui n’ont pas besoin de courriels pour se faire entendre.

2 commentaires:

Marie a dit…

Heureusement, il y a les vieilles enveloppes, les timbres et les cachets de poste qui fleurent bon l'ailleurs...

Agnès a dit…

Oui... et ce qui est mieux c'est qu'aujourd'hui on ne recoit plus de lettres du boulot, donc on peut aller voir son courrier et n'y trouver que des trucs chouettes!