dimanche 19 septembre 2010

Sunday champêtre

J’ai toujours eu la hantise des « promenades digestives » du dimanche après-midi. Toute la famille est là, on a bien déjeuné, et nous voilà tous dans le vestibule à enfiler notre manteau pour aller prendre l’air. Je ne vois pas l’intérêt qu’il y a à se promener dans une ville quasi morte ou à tourner autour d’un jardin public après le déjeuner dominical sans autre but que de s’aérer ou de se dégourdir les jambes. Sortir pour sortir autant aller loin, dans un endroit où il y a de l’animation, des lumières, de la chaleur... A Tours par exemple, traverser des rues aux rideaux baissés m’importe peu si le but de ma visite est une salle de cinéma. Dimanche dernier, j’étais chez une amie, on discutait tranquillement sur son canapé en sirotant un café, un oeil sur la télé française (source inépuisable de fous rires d’autant plus que l’insupportable Linda Lemay y chantait son dernier tube nunuche) quand soudain elle a suggéré une promenade dans le parc voisin. Non, merci. Rien à faire, ça m’angoisse. Pourtant... pourtant... rien de plus réconfortant que de faire cette promenade dominicale tant abhorrée ailleurs, dans un village de l’Angleterre profonde, à mille lieues de tout cinéma ou musée ou magasin. Rien de plus plaisant que de traverser des ruelles désertes sous un ciel en deuil, de n’avoir pour spectacle qu’une rivière, des arbres parés pour l’automne, une petite église et son cimetière, un vieux pont, quelques vaches dans un champ. L’idée que peu d’heures nous séparent du lundi dans la grande ville avec son cortège de bruit et de fureur ne nous effleure jamais l’esprit. L’avenir se borne à la tasse de thé bien chaude qui nous accueillera à notre retour.
Il y a autant de manières d’occuper ses dimanches après-midi qu’il y a de façons de prononcer le Je t’aime final dans le poème ci-dessous. En voici deux versions : ici (dit par Pierre Brasseur) ou ici (dit par un sociétaire de la Comédie Française que l’on imagine grand, beau et sentant bon le sable chaud...)
Allo
Benjamin Péret

Mon avion en flammes mon château inondé de vin du Rhin
mon ghetto d'iris noirs mon oreille de cristal
mon rocher dévalant la falaise pour écraser le garde-champêtre
mon escargot d'opale mon moustique d'air
mon édredon de paradisiers ma chevelure d'écume noire
mon tombeau éclaté ma pluie de sauterelles rouges
mon île volante mon raisin de turquoise
ma collision d'autos folles et prudentes ma plate-bande sauvage
mon pistil de pissenlit projeté dans mon oeil
mon oignon de tulipe dans le cerveau
ma gazelle égarée dans un cinéma des boulevards
ma cassette de soleil mon fruit de volcan
mon rire d'étang caché où vont se noyer les prophètes distraits
mon inondation de cassis mon papillon de morille
ma cascade bleue comme une lame de fond qui fait le printemps
mon revolver de corail dont la bouche m'attire comme l'oeil d'un puits scintillant
glacé comme le miroir où tu contemples la fuite des oiseaux mouches de ton regard perdu dans une exposition de blanc encadrée de momies
je t'aime

3 commentaires:

Marie a dit…

C'est drôle, penser aux promenades du dimanche après-midi, j'aime pas non plus. Mais un tea room dans une petite ville anglaise, oui. Je me balade encore à Sevenoaks dans mes rêves... Douce semaine !

Agnès a dit…

Douce semaine a toi aussi! Vivement que tu traverses la Manche alors!

Marie a dit…

On espère pour cet automne... mais Londres seulement. Ça serait déjà top !