jeudi 11 juin 2009

Une librairie, c'est une agence de voyages

Tant que la lecture est pour nous l’initiatrice dont les clefs magiques nous ouvrent au fond de nous-mêmes la porte des demeures où nous n’aurions pas su pénétrer, son rôle dans notre vie est salutaire.

Marcel Proust
Dire que j’étais entrée dans cette librairie pour acheter des livres de grammaire! Mais c’était sans compter sur la rencontre fortuite avec ce petit livre qui me faisait de l’oeil sur son étagère :

Un réveillon de 1921, je crois. « Vous êtes tous invités chez Coco » nous avait dit Misia. Chanel n’avait pas encore conquis Paris ; le buffet était dressé dans les salons d’essayage, où les paravents de Coromandel de Madame Langweil n’avaient pas encore déplié leurs feuilles d’automne.
L’allure de Chanel de Paul Morand

Je l’ai dévoré, ce livre étincelant, en quelques heures, et passé ensuite deux jours à en chercher tous les noms propres, en commençant par celui de Madame Florine Langweil, une Alsacienne au grand coeur qui, à la mort de son antiquaire de mari, se passionne pour l’art extrême-oriental et en devient une des plus grandes collectionneuses et spécialistes de l’époque.

Par l’entremise de Paul Morand – c’est si bien écrit que je ne pouvais m’empêcher d’en lire des passages entiers à voix haute, comme s’il s’agissait de poésies... en fait c’en est tout à fait ! - j’ai « rencontré » Misia Sert (1872-1950), une femme au destin exceptionnel, amie intime de Chanel, de Proust, Cocteau, Mallarmé, pour ne citer qu’eux, muse de Toulouse-Lautrec, Vuillard, Bonnard, Ravel, Fauré, Diaghilev... la « Reine de Paris », dont j’ignorais l’existence. Un portrait d'elle par Renoir se trouve à la National Gallery. Combien de fois ai-je dû passer devant lui et lire sa légende sans que cela n’éveille chez moi le moindre intérêt ?Maintenant je ne lâche plus Misia de Arthur Gold et Robert Fizdale qui est si passionnant que chaque phrase pourrait être citée pour donner envie de le lire à d’autres.

Juste avant j’avais lu Comme tous les après-midi, un recueil de nouvelles de l’Iranienne Zoyâ Pirzâd. Mais même si j’en ai éprouvé du plaisir, celui-ci est resté en surface. Je pouvais très bien me passer de le lire, je le trouvais terne, plan-plan, je n’avais qu’une hâte : le finir pour passer à autre chose. Que lui manquait-il pour être tout à fait à mon goût ? Je ne suis pas arrivée à le cerner.

Ce qui me plaît c’est de me dire qu’il y a encore de telles pépites sur mon chemin, comme Yosano Akiko et Misia Sert... Prochain voyage: L’irrégulière: L’itinéraire de Coco Chanel d’Edmonde Charles-Roux. Et puis je changerai de siècle, de style, de propos du tout au tout, pour me lancer dans Les Essais de Montaigne dont m’a donné envie cette série d’émissions (ici). Je n'en ai pas fini d'ouvrir au fond de moi-même "la porte des demeures où je n’aurais pas su pénétrer" sans mes lectures...

2 commentaires:

asiemutée a dit…

J'ai bien aimé l'Irrégulière ... pas de bluettes, Edmonde CR n'y épargne pas Coco, une passionnante biographie !
Bonne journée Agnès.
Domi

Agnès a dit…

Merci! A toi aussi. Mais il faut lire Misia, c'est un livre extraordinaire.