vendredi 26 juin 2009

Havre de paix

Pour se familiariser avec une ville exotique, on a besoin d’un endroit clos sur lequel exercer un certain droit et où se retrouver seul lorsque le trouble des voix nouvelles et incompréhensibles devient trop grand. Un endroit silencieux, à l’écart des regards indiscrets. Une porte dont on a la clef dans sa poche et que l’on ouvre sans qu’âme qui vive vous entende. Où a donc disparu le trafic infernal ? Où sont passés la lumière brutale et les cris assourdissants ? Les centaines, les milliers de visages ?

Les Voix de Marrakech de Elias Canetti
Pour retrouver une relation « douce et modérée » avec les choses, et s’abstraire à l’effervescence de Marrakech, il suffisait à Elias Canetti de se « promener au-dessus de toute la ville » en montant sur une terrasse. De là-haut, les minarets ressemblent à des « phares qui seraient habités par une voix ».Dans mon expérience japonaise il y a d’abord ma chambre d’hôtel qui me sert de refuge. J’y reproduis, presque à l ‘identique, mon petit bazar quotidien. Il y a aussi les salles de cinéma. Certes, elles sont loin d’être des endroits silencieux. Mais le but d’un film étant de faire appel à notre imagination, c’est bien le seuil d’une « porte dont on a les clefs dans sa poche » que nous franchissons allègrement. Un jardin secret qui ne s’arpente qu’à l’insu des autres spectateurs.
Pour les mêmes raisons on peut aussi se plonger dans un livre captivant dans l’enclos serein d’un temple ou d’un jardin, voire même d’un café, où l’on peut devenir anonyme, si on sait choisir stratégiquement sa table. Le choix du livre est un travail de toute une année, mais il peut aussi se décider la veille du départ.
Mais le must, pour « se familiariser avec une ville exotique », c’est de faire une promenade en bateau. C’est en flottant, en ondoyant, que l’on peut le mieux décider des manières de l’aborder. La course du bateau dessine sur l’eau la courbe d’une parenthèse, une parenthèse dans le temps et l’espace, que le voyageur mettra à profit pour reprendre son souffle.

2 commentaires:

asiemutée a dit…

J'ai été étonnée par le nombre de havres de paix que j'ai pu trouver à Tokyo ... l'apanage du voyageur solitaire.
Amicalement
Domi

Agnès a dit…

Un bon equilibre avec la vie trepidante a l'exterieur!