Il ne sortirait pas sans son parapluie. Prenant à témoins le soleil éclatant par delà la fenêtre, je me suis un peu moquée de lui. Tout le monde dans le bureau s’est alors récrié : comment pouvais-je ne pas savoir que le déluge s’abattrait sur Londres ce jour-là ? Savoir qu’il allait tomber des cordes sans en connaître l’heure exacte, tout en me rendant compte que le petit parapluie au fond de mon sac et-qui-a-connu-un-typhon-japonais ne me protègerait aucunement de la soupe, a suscité chez moi deux réactions contradictoires: d’un côté je m’obstinais à nier l’évidence, et de l’autre je n’avais qu’une hâte, me mettre à l’abri. Vers 16h30, l’air s’est soudain rafraîchi et le ciel obscurci. Me pressant vers l’arrêt de bus j’ai vu la rue partagée en deux, comme dans une arène espagnole : sol y sombra. Quand au téléphone j’essayais à mon tour de convaincre mon interlocuteur de l’imminence de la pluie, pour décrire la situation j’ai dit : « Au dessus de chez moi, c’est Poltergeist ! » Je croyais voir deux griffons s'affronter dans les nuages.Et le déluge a éclaté avec une violence rare. Magnifiques éclairs, roulement du tonnerre, pluie battante. Un véritable tintamarre...Mes vitres ruisselantes me donnaient l’occasion de prendre des photos à la Kiarostami – on peut voir les siennes dans Pluie et Vent – la seule différence (je plaisante bien sûr !) c’est que moi je n’essuyais pas la tempête au volant de ma voiture, mais dans ma cuisine ! Jamais je n’avais observé avec autant d’intérêt les différents signes de l’orage... Les formes, les couleurs, qui en découlent...Une pluie de flèches s’abattait sur les passants et les roses. J’ai pensé à la forteresse assiégée du Château de l’araignée d’Akira Kurosawa et à Red Cliff de John Woo.Et puis les nuages ont poursuivi leurs chemins respectifs...Abandonnant derrière eux leurs oripeaux qui dessinaient étrangement le visage de Marcel Proust ou, plus prosaïquement, celui d’Hercule Poirot, reconnaissable à sa fameuse petite moustache et au chapeau melon.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire