dimanche 10 octobre 2010

Sangliers à la louche

Au Japon, on surnomme le sanglier (inoshishi) « la baleine de la montagne » (yamakujira) : il y a 1500 ans, le bouddhisme se répandit dans l’archipel et ses préceptes réprouvaient la consommation des animaux à quatre pattes. Alors les montagnards malins, pour qui le sanglier constituait un mets de choix, appelèrent ainsi cet animal pour continuer à en déguster la viande qui ressemblerait, en couleur et en texture, à celle de la baleine. L’impressionnant sanglier de l’Ashmolean Museum d’Oxford aurait fort mérité son petit surnom japonais !

Ces derniers temps, je vois des sangliers partout. A l’expo sur les Trésors de Budapest, une salle lui est consacrée, alors que sa dépouille n’apparaît que sur un seul tableau parmi celles d’autres animaux. Je me demande bien si les commissaires de l’exposition se sont rendu compte des liens cachés qui unissent les tableaux de cette salle... Tout commence avec une toile représentant Méléagre montrant à Atalante ses trophées de chasse. Méléagre tua le cruel sanglier de Calydon de son javelot, sanglier dont des « soies aussi raides que des javelines hérissent le cou ; qui pousse de rauques grognements, dont une écume brûlante coule des larges épaules ; dont la foudre sort de la gueule ; dont le souffle embrase le feuillage » (Ovide). Lors de cette chasse Méléagre tombe amoureux d’Atalante (« une chasseresse redoutable »). Thésée et d’autres héros grecs, participèrent à la curée. Justement, la toile voisine, de Laurent de la Hyre, représentait Thésée et Ethra (ici). Devant sa mère Thésée soulève une roche sous laquelle il découvre les sandales et l’épée que lui a laissées Egée, son père, le roi d’Athènes. C’est Egée qui avait caché ses symboles royaux sous cette roche quand Ethra était encore enceinte. Thésée découvre ainsi qu’il est prince et prend le chemin d’Athènes. Sa route est semée d’embûches. Ci-dessus on le voit faire passer de vie à trépas Sciron, un brigand qui sévissait le long de la côte. Il forçait les voyageurs à lui laver les pieds avant de les précipiter du haut de la falaise dans la mer où une terrible tortue les dévorait. Thésée lui fit subir le même sort. Au fil de son périple, Thésée rendit la monnaie de leur pièce à de nombreux brigands : Périphétès (qui aplatit les voyageurs de sa massue), Procuste (qui les attache sur un lit et coupe les membres qui dépassent ou les rallongent), Cercyon (qui les défie à la lutte et finit par les tuer), Sinis (qui les rançonne et les écartèle entre deux arbres). A son arrivée à Athènes, toujours incognito, il capturera le taureau de Marathon (père du Minotaure... que Thésée tuera plus tard en Crète). Cette coupe du British Museum rappelle tous les « Travaux de Thésée ». J’oubliais : Thésée mit aussi fin aux ravages de la laie de Crommyon, mère du sanglier de Calydon... Sur les vases grecs, la laie de Crommyon est toujours accompagnée d’une vieille femme, comme on peut le constater ci-dessus. Il finit par révéler sa véritable identité à Egée (vase ci-dessus). A la mort de celui-ci, il devient roi d’Athènes. Il aura un fils avec Antiope, Hippolythe, il se remariera avec Phèdre... on connaît la suite ! Le troisième tableau de cette salle représentait Aphrodite pleurant la mort d’Adonis. Comment mourut-il ? Tué par un sanglier bien sûr ! Une goutte de son sang touchant le sol donna naissance aux anémones. Quel autre amant jaloux envoya ce sanglier dans les pattes d’Adonis ? Arès ou Apollon ? Le mystère demeure. Quant à moi, à la place de tous ces sangliers, je préfèrerais voir des Adonis !

2 commentaires:

Marie a dit…

J'aime bien ton bestiaire ! Moutons, sangliers...

Agnès a dit…

Bientot les cygnes!On est entoure d'animaux... hier dans le foyer d'un theatre j'ai vu une expo photos sur les animaux sculptes sur les batiments, cathedrales, tombes, statues de Londres