samedi 10 juillet 2010

Bergère ô tour Eiffel (Apollinaire)

On ne trouve que deux têtes de mouton dans tout le musée, à croire que ce dodu animal finissait en brochettes, en méchoui, ou sacrifié sur l’autel d’un dieu, avant qu’un artiste grec ou mésopotamien n’ait pu capturer son image.Après une plaisante virée à la campagne je me suis imaginée en bergère, vivant dans un hameau entourée de doux moutons blancs comme la neige et frisés, que je mènerais aux verts pâturages, une houlette à la main.Je porterais une robe de bergère comme celle qu’arbore Marie-Antoinette sur le tableau d’Elizabeth Vigée-Lebrun (ici) ou celui d’Adolf Ulrich Wertmuller (ici) à la veille de la Révolution, une tenue qui fit dire au peuple que la reine s’était fait « peindre en chemise ». Les seuls moutons que j’ai vus récemment se trouvent dans les bras de Saint Jean-Baptiste ou au pied de Sainte Agnès – Agnè en grec signifie agneau et symbolise la pureté – sur des tableaux du XIVe siècle. Mais je ne m’aviserais pas de prendre un de ceux-ci sous mon bras, à moins que je ne veuille me retrouver les quatre fers en l’air dans la luzerne !Ces sympathiques bêtes broutaient tranquillement dans un champ quand ils m’ont vue. Quelle surprise, de la visite, se sont-ils dit, c'est qu'on s'ennuyait, on va pouvoir jouer à saute-mouton! Mais, trouillards, en bons moutons de Panurge, ils se sont serrés les uns contre les autres en tremblant. On aurait dit une hydre à trois têtes! J’étais désolée d’être la cause d’une telle frayeur !Tandis que ses congénères mâchonnaient, blasés, l’herbe tendre, celui-ci ne me quittait pas des yeux. Il me faisait des mines. Des yeux de biche. Un petit sourire en coin. Je l’imaginais un ruban rose au cou, peigné et parfumé...J’ai eu le coup de foudre pour ce mouton. Quand je l’ai quitté il poussait des bêlements déchirants. J’étouffais les miens, car je n’étais pas seule dans cet écrin bucolique.C’est pour cela que deux jours après notre rencontre, comme ces explorateurs qui, rentrés au bercail, se meurent d’amour pour un gorille qui se morfond de même dans une forêt du Gabon, je hante les allées de mon musée préféré, en souvenir de mon amour de mouton.

1 commentaire:

n a dit…

Compter les moutons ! ; )