dimanche 14 février 2010

Coeur de ville

Dire : Je vous aime, à quelqu'un, jamais on ne l'eût inventé ; ce n'est là que réciter une leçon, jouer un rôle, commencer à débiter, à sentir et à faire sentir tout ce qu'il y a d'appris dans l'amour. Cette parole, dont la mémoire fait les frais, transforme sur le champ la situation des esprits, ouvre une perspective de prodiges et de vicissitudes où la conscience se perd. L'instant se fait énorme, la sensation d'un seuil redoutable franchi s'impose. On croit avoir prononcé devant l'Univers des mots magiques, et ils le sont en vérité, précisément parce qu'ils sont appris comme une formule dont les livres et le théâtre nous ont instruits. A ces mots s'illuminent les fresques traditionnelles de l'amour. On fait son entrée sur je ne sais quelle scène mentale de l'Opéra où l'on se voit puissant et tendre, ne disant rien que de chantant.
Rhumbs de Paul Valéry
Qu’elle est grande cette ville! Où finit-elle ? C’est ce que je me disais hier soir, alors que le bus s’enfonçait dans le sud-est de Londres où je n’ai jamais mis les pieds ou presque. Mon seul repère étaient les petites lumières rouges au sommet de la Canary Wharf Tower, le plus grand gratte-ciel du Royaume-Uni (235m), rive nord. Le bus 188 a fait un arrêt à Canada Water station qui tient son nom d’un dock où accostaient autrefois les bateaux en provenance du Canada. Mais il n’y a plus l’ombre d’un quai. Pas loin c’est le quartier de Rotherhite d’où le Mayflower a mis les voiles en 1620 pour Southampton et la Nouvelle Angleterre. Pourrais-je quitter mon nord « natal » et rassurant, si proche du coeur de la ville, pour le sud et ces rues anonymes ? Voilà Greenwich : on se croirait dans un village de pêcheurs. Des couples dînaient aux chandelles. Dans les vitrines, parmi les ancres, les cordages et les lampes de brume, se balançaient des coeurs rouges, de toutes les tailles et de toutes les matières. Impossible d'ignorer que c’était la veille de la Saint-Valentin! Quelle est peuplée cette ville ! Quelle diversité ont ses habitants ! J’ai même vu deux punks français avec de jolies crêtes peroxydées, si grandes qu’elles me cachaient le nom des arrêts sur le panneau d’affichage ! Et dire que parmi ces millions de Londoniens il n’y en a qu’un à qui je dis je t’aime en le chantant sur tous les tons!

2 commentaires:

Marie a dit…

J'ai lu ton billet dimanche et il résonnait encore ce matin, tellement il est chouette (j'aime bien la chute !) !

PS : Même le vérificateur de mot est d'accord : suppr !

Agnès a dit…

Cela me fait tres plaisir ce que tu me dis. Vraiment!