lundi 31 août 2009

Les mains de Rembrandt

L’année de sa mort (1669), Rembrandt s’est représenté dans cet autoportrait (ici), les mains ouvertes et un pinceau à la main. Puis il a changé d’avis. Selon la notice de la National Gallery, le fait qu’il ait choisi de se peindre les mains fermées « réduit l’impact dramatique et détourne l’attention vers le visage ». Pour avoir vu cette peinture il y a quelques jours, je trouve qu’au contraire, la façon dont Rembrandt se tient les mains est très émouvante, très humble, comme s’il les empêchait de trembler... ou de peindre ? Les mains de Rembrandt m’ont fait penser à celles d’un Assyrien croisé(es) ailleurs.

dimanche 30 août 2009

Amarres larguées

L’habitude, c’est ce qui nous endort et ce qui nous éveille.
Entendu dans une émission sur Bergson
Cet été je n’ai pas traversé une seule fois le Waterloo Bridge pour aller à la Cinémathèque. C’est très étonnant: pendant 10 ans, chaque été, presque quotidiennement, je descendais du bus devant la Courtauld Gallery et je traversais le pont.Eté après été, quand je dépassais ces bateaux amarrés, je hâtais le pas pour ne pas arriver en retard à ma séance. Je voyais un, deux, ou trois films à la suite, surtout chinois ou japonais, ou bien une rétrospective dans le genre Chaplin ou Hitchcock. Il faisait nuit quand j’émergeais de la salle obscure. C’est à ces petits détails qu’on s’aperçoit, rétrospectivement, que quelque chose s'est passé.

samedi 29 août 2009

A se Aidan(ner)!

En ce moment, sur BBC2, le mardi soir à 21h, à mon grand ravissement, il y a un feuilleton qui s’appelle Desperate Romantics (ici). Il parle du PRB (pi-ar-bi), le Pre-Raphaelite Brotherhood – la Confrérie préraphaélite- qu’ont fondé en 1848 les peintres Millais, Hunt, et Dante Gabriel Rossetti, entre autres. Il donne lieu à d’étranges agissements chez certaines personnes de ma connaissance dont moi...
Après le premier opus, vous vous précipitez sur le net pour vous rafraîchir la mémoire sur ce mouvement pictural. Puis, au fur et à mesure des épisodes, vous courez les musées du pays à la recherche de peintures préraphaélites : vous vous précipitez à la Tate Britain bien sûr où se trouve l’Ophélie de Millais parmi d'autres tableaux tout aussi fameux.Vous allez même jusqu’à la Manchester Art Gallery assouvir votre passion, et vous y voyez un tas de feuilles mortes peintes par ce même Millais... Et des rousses (surtout, des plantureuses et des limandes) et des brunes froides peintes par Rossetti, et des brebis et encore des brebis au bord de précipices peintes par Hunt. Ainsi, des cartes préraphaélites partent dans tous les coins de la terre pour avertir de votre récente passion toutes vos connaissances. Mais franchement, franchement, ce qui soulève votre enthousiasme et vous fait échanger texto sur texto le mardi soir dès la fin de l’épisode hebdomadaire... est-ce bien ces tableaux étranges et pénétrants ou la plastique du bel Aidan Turner (Rossetti), cet Apollon qui s’essaye à toutes les positions du Kama Sutra avant de donner le moindre coup de pinceau sur sa toile ? Pas besoin de lever les bras au ciel en poussant des cris d'orfraie... Je pensais la BBC plus fleur bleue!

vendredi 28 août 2009

A nie mots

D comme dauphin
J’aimais que les dauphins suivent notre bateau
Entre Tanger et AlgesirasP comme pouleQuand j’avais 4 ans j’ai lancé des grains de maïs à des poules
A La Rochelle
P comme porc aussiEst-ce la grippe qui marche à grands « A » dans le ciel ?
(Ma bizarre maladie de juillet?)

jeudi 27 août 2009

Le jour d’après

Cette image-là me fascine. Je pourrais passer des heures à l’observer. Elle se trouve au British Museum (cela n’étonnera personne) dans une salle du troisième étage où sont exposés des objets qui racontent l’histoire de l’Europe entre 300 et 1100. Sur cette image on voit ce qui se passe en Angleterre une fois que les Romains sont partis remplacés par les Anglo-saxons. Les bâtiments romains tombent en ruine et leurs matériaux sont recyclés par la population pour construire leurs propres maisons. On dirait une image de fin du monde, sortie d’un film-catastrophe. Je me demande ce qui se disait à l’époque sur l’occupation romaine, ce que cela devait faire de voir ces magnifiques bâtiments s’écrouler et de penser aux jeux qui s’y déroulaient, de fouiller dans les gravas et ce qu’on pouvait y trouver... J’ai l’impression que règne un grand silence après les clameurs, une grande incertitude. Pour moi c’est une image arrêtée de la transition. La transition entre l’été et l’automne, l’oisiveté et le travail, entre des idées et des désirs auxquels on s’accrochait, auxquels on croyait dur comme fer, que l’on croyait immuables, perpétuels, et qui un jour insensiblement évoluent, se transforment, pour construire d’autres désirs, d’autres idées auxquels on va adhérer pour un temps.

mercredi 26 août 2009

Trucs Etrusques

Il est des gens qui naviguent et qui endurent les fatigues des voyages les plus longs, pour le seul avantage de connaître quelque chose de caché et d'éloigné. Voilà ce qui attire les peuples en foule vers les spectacles ; voilà ce qui fait percer des voies dans les espaces fermés, fouiller dans les réduits secrets, dérouler les antiquités, étudier les moeurs des nations barbares (non-romaines). C'est un esprit curieux, que la nature nous a donné : pleine du sentiment de son industrie et de sa beauté, elle nous a engendrés pour être spectateurs de si grands spectacles; elle perdait le fruit d'elle-même, si des ouvrages si grands, si éclatants, si artistement conduits, si achevés, des ouvrages toujours divers et toujours beaux, elle ne les montrait qu'à la solitude.

De Otio (L’oisiveté) de Sénèque
« Je ne suis pas sûre, mais un jour, les Etrusques sont devenus des Romains, mais je ne sais pas comment. » Cette phrase, chipée au vol à une touriste française en visite au British Museum, m’a vraiment fait rire. Attention ! Je ne me moque pas. J’aurais été bien incapable moi-même d’expliquer au pied levé ce point de l’histoire antique ! Ce qui m’a fait rire, c’est d’imaginer le jour où les Etrusques se sont réveillés Romains, comme si, pendant la nuit, leurs corps avaient changé, et que dans leurs armoires, bien pliés et fleurant bon la lavande, des toges de toutes les couleurs avaient remplacé les frusques de nos amis Etrusques. (Les photos ci-dessus sont égyptiennes car je n’ai pas de trucs Etrusques dans mon appareil)

mardi 25 août 2009

Arbres carnivores

Je viens de voir Séraphine de Martin Provost. Un très bon film. Je me suis attachée au personnage et j’ai même adopté le point de vue de son protecteur, Wilhelm Uhde et, comme lui, j’ai aimé les tableaux de Séraphine, je voulais qu’il l’expose et que le monde entier la connaisse. Mais dès le film fini, en repensant à ces peintures, je les ai trouvées carrément affreuses et effrayantes. J’étais vraiment mal à l’aise devant ces formes et ces couleurs, par la forme des feuilles surtout... J’ai retrouvé un peu des arbres de Séraphine au British Museum, sur une peinture sur soie représentant les différentes façons de peindre les arbres dans l’art indien. Heureusement qu’il y avait un joli poème et de la musique indienne pour me rassurer !

lundi 24 août 2009

Le temps seul est notre bien

Suis ton plan, cher Lucilius ; reprends possession de toi-même : le temps qui jusqu’ici t’était ravi, ou dérobé, ou que tu laissais perdre, recueille et ménage-le. Il est des heures qu’on nous enlève par force, d’autres par surprise, d’autres coulent de nos mains. Or la plus honteuse perte est celle qui vient de négligence ; et, si tu y prends garde, la plus grande part de la vie se passe à mal faire, une grande à ne rien faire, le tout à faire autre chose que ce qu’on devrait. Persiste donc, ami, à faire ce que tu me mandes : sois complètement maître de toutes tes heures. Tandis qu’on l’ajourne, la vie passe. Cher Lucilius, tout le reste est d’emprunt, le temps seul est notre bien. C’est la seule chose, fugitive et glissante, dont la nature nous livre la propriété ; et nous en dépossède qui veut. Mais telle est la folie humaine : le don le plus mince et le plus futile, dont la perte au moins se répare, on veut bien se croire obligé pour l’avoir obtenu ; et nul ne se juge redevable du temps qu’on lui donne, de ce seul trésor que la meilleure volonté ne peut rendre.

Lettres à Lucilius de Sénèque
Il y a eu un grand coup de vent dans les arbres, et la chaussée s’est couverte de feuilles mortes. J’ai essayé de me persuader que c’étaient des feuilles de l’année dernière, d’avant le printemps, des récalcitrantes... Mais il faut me rendre à l’évidence. Je n’ai pas la berlue : l’automne est en marche... Bientôt une nouvelle fraîcheur va se remarquer dans l’air et sans regarder le calendrier on saura, en frissonnant, que nous sommes en septembre. Maintenant il va falloir se boucher les oreilles à tous les commentaires ronchons de ceux qui regretteront l’été et maugréeront contre la rentrée!

dimanche 23 août 2009

Compter les chevaux

Ce serait un poème, comme ceux que j’ai lus sur les murs de l’expo Richard Long à la Tate Britain : je vais noter tous les bruits que j’entends dans la rue après minuit – car il fait si chaud qu’on dort la fenêtre ouverte !
Talons précipités
Sirène de police
Souffles de moteurs
Rires et conversations bruyants
Concert d'oiseaux
Croassements de corbeaux

Tout va bien, j’ai eu mes 4h45 de sommeil !
Sound line
A sound from each day along a walk of 622 miles in 21 days from the north coast to the south coast of Spain 1990

Surf roar at Ribadesella
A thundering river in the desfiladero de los Beyos
A mewing buzzard near Horcadas
A squealing pig in Saelices del río
A barking dog in Sahagún
A skylark near Moral de la Reina
Geese near Medina del Campo
Starlings in Fuente el sol
A splash in a rain puddle in Mirueña de la Infanzones
Crunching snow on the Puerto de las Fuentes
A braying donkey near Segurilla
Kicking a stone in Alcaudete de la Jara
Hissing wind through branches in la Nava de Ricomalillo
A cock crowing near Herrera del Duque
A frog near Almadén
The screech of a heron on the Río Valdeazogues
Hitting two stones together in Villanueva de Córdoba
A flock of crows near Adamuz
A barking dog in Santa Cruz
Crackling fires near Moriles
Whisking over the río Guadalhorce
Surf roar at Málaga

samedi 22 août 2009

A cloudless walk

Ce que j’ai le plus aimé à l’expo Richard Long à la Tate Britain, ce sont les lieux de l’expo eux-mêmes (des salles immenses et claires) et les itinéraires-poèmes en lettres géantes sur les murs, qui m’ont renvoyée à mon récent voyage et à comment m’avaient intéressée les noms des villages que j’avais traversés. J’ai aimé aussi prendre le bateau jusqu’à la Tate Modern sous un ciel d’un bleu! Qu’il faisait chaud ! Un texte surtout m’a intéressée: Transference. C’est le nom d’une réaction chimique selon laquelle une particule peut agir sur le comportement d’une autre particule jusqu’à créer une symétrie, même si la distance entre les deux particules est grande. Richard Long a marché 3 jours dans le Dartmoor, puis il est allé au Japon marcher dans les montagnes du Chokai, et avait remarqué sur son chemin exactement les mêmes choses qu’en Angleterre.Au Japon, comme en Angleterre, il y avait des forêts, des papillons blancs, des rivières... Et moi, le parcours entre la Tate Britain et la Tate Modern sur la Tamise, m’a donné l’impression d’être sur la Sumida entre le jardin Hamarikyû et Asakusa.
Transference
A three day walk on Dartmoor

Forest - White butterflies - Crossing a stream - Animal droppings - Slippery boulders - Peat bog - Sleeping towards East - Half-moon - Yellow flowers - A river source - Footpaths - Orange mud - A hilltop cairn - Waterfall - Boots drying in the sun - A spicy thai camp meal - Sleeping towards West - Dawn heavy dew - A circle of stones - Following a river


Duplication in the same order of occurence along a 7 day walk on Chokai mountain half a lunar month later.

Forest - White butterflies - Crossing a stream - Animal droppings - Slippery boulders - Peat bog - Sleeping towards East - Half-moon - Yellow flowers - A river source - Footpaths - Orange mud - A hilltop cairn - Waterfall - Boots drying in the sun - A spicy thai camp meal - Sleeping towards West - Dawn heavy dew - A circle of stones - Following a river

England and Japan 2003

vendredi 21 août 2009

Tous les chemins mènent à Rome

[Les Temples d’Ise au Japon] se dressent dans une vaste forêt sacrée... Les troncs de ses pins sont si gigantesques et leur feuillage est si épais, qu’on y avance en plein jour dans une semi-ténèbre sous-marine, percée, si le temps est beau, par quelques flèches de lumière... C’est, à l’autre bout du monde, le nemus, le bois ou la forêt sacrée des Latins.
Marc Fumaroli
La fidélité à soi-même dans la modernité : l’exemple du Japon (ici)
Entendue la veille de mon départ, à coup de lettres de Sénèque et d'extraits des Métamorphoses d’Ovide, cette conférence sur « l’océan végétal d’Ise » m’avait donné envie de connaître les vestiges du nemus près de la ville de Ariccia en Italie, qui a le nom de la nymphe Aricie. Mais bon, je partais dans l’autre direction, pour Buxton, où la pauvre reine d’Ecosse, cousine et prisonnière d’Elizabeth I, venait prendre les eaux sous la haute surveillance du comte de Shrewsbury, le mari de la célèbre Bess of Hardwick dont j'ai entendu parler pour la première fois, à ma grande honte, en arrivant dans la ville. Buxton s’écrivait Buckestones (bowing stones ou pierres penchées) dans le passé, mais les Romains l’avaient baptisée Aquae Arnemetiae et c’était une ville d’eau célèbre pendant tout le temps de leur occupation de la Grande-Bretagne (43-410).
Aquae Arnemetiae cela veut dire Les Eaux de Arnementia. Arnementia ou la déesse du bois sacré. Bien avant la conquête romaine, l’endroit s’appelait du nom celte de Nemeton... de nemus, le bois sacré où se trouvait le temple de la déesse! Alors comme ça, même très loin de Ariccia, je me trouvais dans un (ancien) bois sacré. Une belle coïncidence je trouve !En guise de déesse, je n'ai vu que les anges géants de l’opéra.

jeudi 20 août 2009

Entre Stockport et Buxton (2)

Il y a deux jours, je divaguais un peu sur le nom des gares sur le trajet entre Stockport et Buxton. C’est une bonne voie d’approfondissement d’un lieu qu’on aborde pour la première fois. J’aurais tant voulu être archéologue, alors c’est ma façon à moi de faire des fouilles.
Les chasseurs-cueilleurs du Mésolithique s’étaient depuis longtemps fondus dans le paysage qu’ils arpentaient il y a 8000 ans, quand Stockport fut fondée. Son nom viendrait du vieil anglais stoc (place du marché ou château) et port (hameau ou bois). Ville textile, elle aurait plu à Coco Chanel car c’était le centre de l’industrie du chapeau!Davenport, s’appelait Deneport sous William le Conquérant en 1086, mais tirerait son nom d’une famille qui possédait le terrain sur lequel sa gare a été construite. Hazel grove, jusqu’en 1836 s’appelait Bullock Smithy, du nom d’un forgeron qui s’était établi dans le village en 1560. Les habitants étaient las de ce nom ridicule et le village prit le nom du lieu-dit de Hessel Grave (la tombe de Hessel) et Disley vient du mot anglo-saxon Dystiglegh qui signifie emplacement venteux, ce qu'il est resté. New Mills s’appelait auparavant Middlecale (parcelle de terrain). Son nom actuel lui a été donné par un moulin sur la rive de la rivière Goyt. Pas de baleine échouée à Whaley Bridge: l’ancienne Towneshepp of Weley (j'adore ces vieilles orthographes) tire son nom de l’anglo-saxon weg leah (clairière au bord de la route).Chapel-en-le-Frith (chapelle dans la clairière dans la forêt (frith/forest)), ancien relais de chasse, date de la conquête Normande. A 11h du matin, le mardi gras, on y sonne la cloche des gâteaux (Pudding Bell) pour demander aux ménagères de préparer leur pâte! Vu mes talents culinaires, il n'y a pas de place pour moi dans ce village!Les terres giboyeuses aux environs de Dove Holes sont occupées depuis le Néolithique. Au Moyen-Age, c’était un domaine de chasse royal. Le nom du village vient de l'imprononçable mot celte dwfr (eau) que l’on retrouve notamment dans le nom de la ville de Dover (Douvres).
Et qui se souvient encore que Buxton se trouve sur l'ancien territoire des Corieltauvi ? Une tribu d’avant la conquête romaine dont l’un des chefs répondait au doux nom de Dumnocoveros? Quel que soit le but de sa visite dans ce coin d’Angleterre, moi je trouve que connaître tout cela rend le séjour encore plus agréable !