La nature nous avertit par un signe précis que notre destination est atteinte. Ce signe est la joie. Je dis la joie, je ne dis pas le plaisir. Le plaisir n’est qu’un artifice imaginé par la nature pour obtenir d’un être vivant la conservation de la vie. Il n’indique pas la direction où la vie est lancée. Mais la joie annonce toujours que la vie a réussi, qu’elle a gagné du terrain, qu’elle a remporté une victoire. Toute grande joie a un accent triomphal. Or, si nous tenons compte de cette indication et si nous suivons cette ligne de faîte, nous trouvons que partout où il y a joie il y a création. Plus riche est la création, plus profonde est la joie. La mère qui regarde son enfant est joyeuse parce qu’elle a conscience de l’avoir créé, physiquement et moralement. Ce qu’[on] goûte de joie vraie est le sentiment d’avoir monté une entreprise qui marche, d’avoir appelé quelque chose à la vie. Prenez des joies exceptionnelles : celle de l’artiste qui a réalisé sa pensée, celle du savant qui a découvert ou inventé. Vous entendrez dire que ces hommes travaillent pour la gloire et qu’ils tirent leurs joies les plus vives de l’admiration qu’ils inspirent. Erreur profonde ! On tient à l’éloge et aux honneurs dans l’exacte mesure où l’on n’est pas sûr d’avoir réussi.
Henri Bergson
C’est donc ça... Avant j’aurais conclu par un « Pourvu que ça dure », maintenant il n’est plus question de durée mais de profondeur de l’instant.
1 commentaire:
La dernière phrase de Bergson me fait penser à JD Salinger qui, après avoir écrit le chef d'oeuvre de sa vie, a décidé de se retirer -tout en continuant à écrire - et de ne plus rien publier ...
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