samedi 8 août 2009

Langues plus que vivantes

Apprendre une langue qui n’est plus parlée... c’est s’obliger à l’apprendre systématiquement, non pas en tâtonnant comme quand on peut parler à un interlocuteur qui dit « Non, ça ne se dit pas comme ça » etc., mais en comprenant vraiment comment elle fonctionne, en reconstituant à partir des textes que l’on étudie, ses nuances, les emplois de tel type de phrases, de tel vocabulaire dans tel régime littéraire et pas dans tel autre, les mots qu’on emploie pour convaincre, les mots qu’on emploie pour émouvoir dans un poème... Au bout d’un moment on est émerveillé de voir avec quelles nuances, avec quelle finesse on peut comprendre ces textes et cette pensée et ces sensibilités d’auteurs qui sont morts il y a 2000 ans, 2500 ans et dont plus personne ne parle la langue. C’est peut-être un exercice gratuit mais c’est un bel exercice, qui prépare admirablement à la connaissance de la langue, même de la sienne, à la sensibilité, à la compréhension profonde des textes et de ce qui se dit. Et c’est quelque chose qui sert constamment, qui sert dans la vie de tous les jours, qui sert pour toutes les langues, qui sert pour tous les interlocuteurs à travers le monde, si on veut comprendre quelqu’un qui est différent de soi.


Michel Zinc
Un été avec Régis Debray, France Culture, 1er août 2009
Même si Michel Zinc parle du latin et du grec, du vieux chinois et du vieux japonais, ce qu’il dit s’applique à toutes les langues vivantes, surtout celles que l’on apprend quand on ne vit pas dans le pays où elle sont majoritaires. On peut les apprendre à l’université ou avec un professeur particulier, mais rien ne remplace l’étude d’une langue, son déchiffrement, tranquille, chez soi, sur un coin de table. La motivation – j’imagine une flamme qui menace sans arrêt de s’éteindre - qu’il faut pour le faire, surtout si ce n’est pas 2500 ans qui nous sépare mais plusieurs milliers de kilomètres... mais quelles satisfactions inégalables cela nous apporte ! D’ailleurs, je me suis replongée dans mes grammaires japonaises dès la fin de l’émission.

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