Cependant Apollon aime : il a vu Daphné. Le dieu paraît voler, soutenu sur les ailes de l'Amour; il poursuit la nymphe sans relâche. Elle pâlit: "ô mon père, secourez-moi ! ô terre, ouvre-moi ton sein, ou détruis cette beauté qui me devient si funeste" ! À peine elle achevait cette prière, ses membres s'engourdissent; une écorce légère presse son corps délicat; ses cheveux verdissent en feuillages; ses bras s'étendent en rameaux; ses pieds, naguère si rapides, se changent en racines, et s'attachent à la terre : enfin la cime d'un arbre couronne sa tête et en conserve tout l'éclat. Apollon l'aime encore; il serre la tige de sa main, et sous sa nouvelle écorce il sent palpiter un cœur. Il embrasse ses rameaux; il les couvre de baisers, que l'arbre paraît refuser encore : "Eh bien ! dit le dieu, puisque tu ne peux plus être mon épouse, tu seras du moins l'arbre d'Apollon." Il dit; et le laurier, inclinant ses rameaux, parut témoigner sa reconnaissance, et sa tête fut agitée d'un léger frémissement.
Les Métamorphoses d’Ovide
Elle s’appelait Cécile et elle venait de Niort. Nous suivions des cours de fac ensemble. Au début de l’année de Licence, au bout de longues vacances d’été, nous nous étions revues. Et là, elle m’a dit une phrase que je n’ai jamais oubliée – en fait je me rends compte que si, mais je n’ai pas oublié ma réaction à cette sentence. Etait-ce Tu n’as pas changé ou Toujours la même ? En tout cas cela m’avait terriblement vexée, humiliée même. C’est vrai que par rapport à elle – vacances dans la maison familiale dans un bled perdu des environs de Niort – on pouvait dire que rien d’extraordinaire ne s’était passé dans ma vie ! Peut-être s’attendait-elle à une autre coupe de cheveux ? Peut-être quelque chose clochait chez moi qu’elle avait espéré voir changer pendant les vacances ? Je me suis sentie si mal qu'il n'est pas étonnant que peu à peu nous nous soyons perdues de vue. Mais c’est de ce moment-là que me venait cette idée que je devais changer à tout prix pendant les vacances d’été. Tout au long de ces années, je suis arrivée au jour de la Rentrée frustrée de ne pas avoir fondamentalement changé. Mais sans jamais me demander ce que devait impliquer cette métamorphose totale de mon être. La vie avait simplement continué son petit bonhomme de chemin, avec son lot de découvertes et de goûts nouveaux que le temps libre permet d’acquérir... Et même s’il y avait eu un événement un peu inhabituel, il avait été absorbé, il faisait partie du paysage. Et en septembre... j’étais la même qu’en juin. C’était désolant. Tout ça parce que cette Cécile de malheur l’avait décrété autrefois ! C’était vouloir être parfaite et me condamner à la frustration éternelle! Mais j’écris cela au passé...
En Chine, le rapport au monde s'énonce plutôt en termes de saisons, mettant en valeurs deux modalités, celles de « modification » et de « continuation » : « modification » de l'hiver au printemps, « continuation » du printemps à l'été. Les deux s'opposent, en même temps que la modification sert à la continuation : elle est ce qu'il faut d'altération pour que la continuation puisse se renouveler.
François Jullien (ici)
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