Ce chat, c’est une partie de moi qui est mieux que moi.
Les Carnets de Joann Sfar : Croisette (2008)
Il faisait un vrai temps de chien. La pelouse du jardin était détrempée et livrée aux escargots. Pourquoi patauger dans la boue quand on peut rester en boule, peinard, sur un canapé douillet ? Je sombrais dans une langoureuse torpeur quand, soudain, une bourrasque m’a emporté comme si la déesse Kannon-aux-mille-bras elle-même s’était mis en tête de me tripoter sous toutes les coutures dans un crépitement de lumières qui m’éblouissaient... Je fais mon boulot de chat, je ronronne, je mordille, je me mets sur le ventre, je lance un de ces regards énigmatiques dont j’ai le secret... la routine, quoi ! Quel cabotin je fais ! Quand elle s’est éloignée j’ai repris mon rêve où je l’avais laissé : je me prélasse dans un temple japonais. A intervalles réguliers on m’apporte, dans une écuelle exquise, une collation de crevettes bien roses et bien dodues, que nul ne s’amuse à me retirer pour le méchant plaisir de m’entendre grogner... Des bouffées d’encens odorant voyagent jusqu’à mon museau, et si vous aviez l’oreille aussi fine que la mienne, vous distingueriez des ronronnements de bien-être derrière les chuchotis des moinillons en prière... Ainsi va mon rêve... Moi, Léo, chat pomponné, dorloté et chéri, dans la maison redevenue silencieuse, je somnole en m’imaginant être le chat de Sōseki qui se présentait ainsi : « Je suis un chat. Je n'ai pas encore de nom. Je n'ai aucune idée du lieu où je suis né » Le Nirvana !
Les Carnets de Joann Sfar : Croisette (2008)
Il faisait un vrai temps de chien. La pelouse du jardin était détrempée et livrée aux escargots. Pourquoi patauger dans la boue quand on peut rester en boule, peinard, sur un canapé douillet ? Je sombrais dans une langoureuse torpeur quand, soudain, une bourrasque m’a emporté comme si la déesse Kannon-aux-mille-bras elle-même s’était mis en tête de me tripoter sous toutes les coutures dans un crépitement de lumières qui m’éblouissaient... Je fais mon boulot de chat, je ronronne, je mordille, je me mets sur le ventre, je lance un de ces regards énigmatiques dont j’ai le secret... la routine, quoi ! Quel cabotin je fais ! Quand elle s’est éloignée j’ai repris mon rêve où je l’avais laissé : je me prélasse dans un temple japonais. A intervalles réguliers on m’apporte, dans une écuelle exquise, une collation de crevettes bien roses et bien dodues, que nul ne s’amuse à me retirer pour le méchant plaisir de m’entendre grogner... Des bouffées d’encens odorant voyagent jusqu’à mon museau, et si vous aviez l’oreille aussi fine que la mienne, vous distingueriez des ronronnements de bien-être derrière les chuchotis des moinillons en prière... Ainsi va mon rêve... Moi, Léo, chat pomponné, dorloté et chéri, dans la maison redevenue silencieuse, je somnole en m’imaginant être le chat de Sōseki qui se présentait ainsi : « Je suis un chat. Je n'ai pas encore de nom. Je n'ai aucune idée du lieu où je suis né » Le Nirvana !
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