Des fois, ça m’échappe... en parlant de l’hôtel de Tokyo dans lequel je descends à chacun de mes séjours, je dis « chez moi ». Par exemple je raconte une de mes journées là-bas, et je finis ma description en disant : « Je rentre chez moi vers 23h ». Je me reprends aussitôt, surtout quand je vois mon interlocuteur tiquer, et je bredouille « heu... je veux dire à mon hôtel ! » C’est vraiment cette petite chambre d’hôtel que je considère comme mon chez moi et pas Tokyo qui, j’espère, me restera toujours assez étrangère pour me pousser sans cesse à y retourner et en découvrir les moindres recoins. Je ne m’imagine pas descendre ailleurs, dans un hôtel meilleur marché par exemple. Parfois je me dis que ce n’est pas moi qui l’ai choisi la première fois, et que j’aurais pu commencer mon idylle japonaise dans un tout autre quartier, et faire mes premiers pas dans un Tokyo tout à fait différent de celui où je suis arrivée par hasard. Et peut-être n’aurais-je pas autant aimé cette ville si, lors de ma première sortie, encore titubante des 12h d’avion qui nous sépare, au lieu de tomber nez à nez avec la Sangedatsumon du Zōjōji, la grande porte d’accès au temple, et pris en pleine figure, en haut des marches du Daiden, les grandes fleurs dorées en écrin autour de la statue d’Amida, au lieu de cette splendeur j’avais eu une galerie marchande sans charme ou une voie ferrée. Cette chambre d’hôtel n’a rien de particulier et c’est justement dans sa banalité et son dépouillement qu’elle répond exactement à mon idéal de vie : avoir tout ce que j’aime sous les yeux (le livre que je lis, du papier à lettre, un beau carnet, et de quoi écrire, coller, le décorer), et l’idée que des aventures, des découvertes m’attendent au coin de la rue qui m’enrichiront et me combleront. En fait, j’ai toujours vécu dans des mouchoirs de poche qui souvent se transforment en tapis volants.
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