jeudi 30 septembre 2010

Une bonne comédienne


La première semaine de cours se termine. Qu’ils sont mignons ces étudiants. Je les regarde et je me demande combien de temps ça va me prendre cette année pour me souvenir de tous leurs prénoms. Que je suis fatiguée en rentrant le soir, j’ai mal partout, je n’ai plus l’habitude de me tenir devant des dizaines d’yeux scrutateurs, de me dépenser sans compter pour chacun d’un bout à l’autre de la salle. Cela ne m’a rien fait, je n’ai pas eu le moindre trac. Je dis ça mais je ne compte plus les stylos qui me sont tombés des mains, de leurs bouchons qui sautent sur la table d’en face ... signes que je dois quand même être un chouïa nerveuse ! Mais je ne le ressens pas. Je suis à l’aise. C’est vraiment un rôle que je joue en toute sincérité et avec bonheur. Quand j’enseigne, dans le feu de l’action, on me poserait des questions sur ma vie réelle, je ne saurais quoi répondre. Je ne viens de nulle part, je n’ai plus d’histoire. Quand je prononce mon nom et que je l’écris au tableau, j’ai l’impression qu’il s’agit d’une autre, la prof, à la surface lisse, à l’humeur toujours égale et enjouée, qui n’est pas timide mais à 100% sûre d’elle. Il suffirait que je pense à un truc que j’aime, que je me revoie lézardant sur mon banc de Saint James’ Park, au bouquin dans mon sac et qui me touche si fortement, pour que je perde tous mes moyens et que je cherche ma coquille des yeux pour m’y cacher à reculons. Mais tout mon petit monde intérieur fait les cents pas devant la fac et se jette sur moi dès que je parais !

mercredi 29 septembre 2010

Haut les mains, peau de lapin!

Hier, en début de soirée, je remontais tranquillement ma rue, quand j’ai aperçu un hélicoptère en vol stationnaire, pile au dessus de chez moi. Je me suis dit bizarre, il n’y a aucun accident, ni rien d’inhabituel dans cette rue, que peuvent-ils bien observer de là haut ? Soudain, deux voitures en ont bloqué une troisième devant moi. Des hommes en noir, des policiers, armés jusqu’aux dents, mitraillette au poing, ont bondi sur le trottoir, ont saisi le chauffeur de la voiture, tandis qu’on ouvrait et fouillait son coffre. Le chauffeur se tenait debout sur le trottoir, des mitraillettes noires braquées sur lui. On le questionnait, et on entendait le crépitement des talkies-walkies. La rapidité de cette arrestation, le silence dans lequel elle a eu lieu, les gestes élastiques précis de ces hommes armés qui ont sauté hors de leurs voitures comme des léopards se jetant sur une proie, les épais gilets pare-balles sur leurs dos... ça m’a clouée sur place. On aurait dit un film en 3D ou un ballet moderne sur la scène de Sadler’s Wells. Ils n’ont pas eu le moindre regard pour ma personne qui était presque dans leurs jambes. Ils ne m’ont pas dit « circulez y’a rien à voir !» Ils avaient une arrestation à faire et s’ils avaient dû me marcher dessus, ils l’auraient fait. Seul leur importait le chauffeur de la voiture. L’avait-il volée ? Etait-il pire qu’un simple voleur de voiture ? J’étais si abasourdie que j’ai mis plusieurs minutes à les contourner, l’air innocent... comme si c’était un spectacle de la plus grande banalité... Mais mes jambes flageolantes ont eu beaucoup de difficulté à me porter jusqu’à chez moi !

mardi 28 septembre 2010

Mortel, le mardi? oui, mais d'une merveilleuse mort...

A partir d’aujourd’hui le mardi sera le jour le plus chargé de mes semaines, avec moins d’une toute petite heure pour manger mon sandwich, dans une salle isolée j’espère, car tous les cafés sont bondés dans le quartier. Comme je vais envier, à l’heure de la sieste, ces nobles Etrusques, vêtus de leurs plus beaux atours, allongés pour l’éternité sur le couvercle de leur sarcophage, salle 71 du British Museum ! Quand je suis allée les voir au musée, j’avais dans la tête les descriptions des tombes de Cerveteri et de Tarquinia par D.H. Lawrence. Et je me demandais ce qu’il pouvait bien y avoir dans son écriture pour qu’elle m’émeuve autant ? Je la trouve d’une beauté extraordinaire.J’aime sa sensualité et sa façon d’évoquer l’au-delà, le monde souterrain, l’invisible, le caché. Et j'ai cherché partout à entendre le son de sa voix avant de lire ceci : « D. H. Lawrence n’a jamais été filmé et n’a pas accordé d’entretiens. On ignore même le son de sa voix. Toutes les personnes qui l’ont connu sont disparues. »
Même quand il parle de choses banales, comme un voyage en train, son arrivé à l’hôtel, la tasse de café prise sur la terrasse, le chien du guide qui l’accompagne parmi les tombes étrusques... c’est passionnant. On a envie de lire chaque phrase à haute voix, fiévreusement.

« En frémissant, frémissant, frémissant, comme le battement léger de douces flammes, douces comme des plumes, s’élevant parfois à des points éclatants, fines, subtiles, et qui la fondaient et la laissaient toute fondante au dedans. C’était comme un son de cloche montant de vague en vague jusqu’à un point suprême. Et quand cette flamme sensuelle passa étroitement par ses entrailles et sa poitrine, elle crut réellement qu’elle allait mourir : mais quelle poignante, quelle merveilleuse mort. »

L’amant de Lady Chatterley de D.H. Lawrence

lundi 27 septembre 2010

Du pain sur la planche

C’est la Rentrée. C’est marrant, je suis contente ! J’aime bien mon programme, j’ai un super emploi du temps, je suis bien préparée, je sais maintenant ce qu’il faut faire pour éviter le stress : éviter les gens stressés ! J’aimerais tant qu’ils m’oublient ceux-là !

dimanche 26 septembre 2010

Tout change, tout passe et tant mieux...

(Personnification de l’Automne- Epoque romaine)
C’est la journée rêvée pour suivre les conseils d’Elizabeth Barrett Browning: Go, sit upon the lofty hill,/And turn your eyes around,/Where waving woods and waters wild/Do hymn an autumn sound./The summer sun is faint on them —/The summer flowers depart —/Sit still — as all transform’d to stone,/Except your musing heart.
Si l’on n’a pas de colline à portée de la main, pourquoi ne pas aller à Hampstead Heath par exemple ? Et s’il ne fait pas beau, pas grave, le poème suffit à nous plonger, sans quitter notre domicile, dans la contemplation de bois et de torrents sous un timide soleil. Il nous fait entendre leur hymne à l’automne tout neuf. Il ne fait pas froid, le soleil est encore « d’été » comme les dernières fleurs « sur le départ ». On peut très bien s’imaginer, immobile, le coeur battant, les yeux grand ouverts balayant le paysage que l’on surplombe du haut de la colline.
(Photos du parc de Shinjuku-Tokyo)
L’été ? On ne pourra s’empêcher d’y penser. Il est encore si présent, dans la nature et dans nos têtes. Les arbres étaient verts alors. Aujourd’hui, le moindre souffle de vent dans les branches entraîne la chute de leurs feuilles.
How there you sat in summertime,/May yet be in your mind;/And how you heard the green woods sing/Beneath the freshening wind./Though the same wind now blows around,/You would its blast recall;/For every breath that stirs the trees,/Doth cause a leaf to fall. (...)
Ce qui doit attirer nos regards ce sont les vallées et les collines au loin, par delà même la ligne d’horizon. En tout cas c’est ce que suggère le poème. Le vent frais, les feuilles mortes, ça risque de nous déprimer à force.
Hear not the wind — view not the woods;/Look out o’er vale and hill —/In spring, the sky encircled them —/The sky is round them still.
Il s’agit d’accepter le changement - et même de l’appeler de ses voeux – car quoi qu’il arrive, l’avenir sera plein de promesses. Moi je veux bien croire ce que dit le poème, et je suis certaine que la contemplation de la nature, ce dimanche, m’amènerait à la même conclusion. Demain, il ne sera plus question de faire l’école buissonnière...
Come autumn’s scathe — come winter’s cold —/Come change — and human fate!/Whatever prospect Heaven doth bound,/Can ne’er be desolate.

samedi 25 septembre 2010

La vie et rien d'autre

Hier, vers 14h, j’ai appris une super bonne nouvelle. J’avais envie de faire la fête ! Au téléphone je m’entendais dire « Thank you ! », « That’s great ! » Franchement, ce qui m’arrive, je le mérite. Après j’ai eu envie de me faire un super beau cadeau ! De m’offrir quelque chose que je désirais depuis toujours, de casser ma tire-lire, de commander tous les livres dont je rêvais en un seul clic par exemple...
Mais voilà... j’ai tout, je ne désire rien d’autre que ce que j’ai. Dehors il faisait un froid de canard. J’ai traversé le British Museum pour aller prendre mon bus de l’autre côté... J’ai réalisé que je voulais simplement qu’il fasse assez beau pour pouvoir retourner au parc, ou bien qu’on soit en novembre pour aller voir l’expo égyptienne, ou dimanche pour voir le feuilleton suédois Wallander, ou le lendemain pour lire D.H. Lawrence et écouter Benedict Cumberbatch lire La Métamorphose de Kafka... enfin je désirais des choses qui finiraient par arriver sans que je n’aie aucun effort à fournir... seulement continuer à vivre assez longtemps ! C’est la vie, le plus beau cadeau !

vendredi 24 septembre 2010

Une journée comme je les aime

Quand on quitte la très belle et instructive exposition Muybridge (ici) à la Tate Britain (ici), une chose nous obsède : la locomotion animale. On ne peut observer le vol des mouettes au dessus de la Tamise sans que notre oeil - comme s’il s’était transformé en Zoopraxiscope - ne le découpe en plans successifs. Et en revenant sur Whitehall et Big Ben, devant les impassibles chevaux des Horse Guards aux abords du 10 Downing street, on souhaite qu’ils prennent soudain la mouche, qu’ils se lancent dans un galop à oreilles rabattues, pour que l’on puisse surprendre le moment – invisible à l’oeil nu mais capturé par la caméra de Muybridge – où leurs quatre sabots décolleront du sol en même temps. Il faisait si beau et si chaud... J’avais Sketches of Etruscan Places de D.H. Lawrence dans mon sac et je suis allée en poursuivre la lecture sur un banc de Saint James’ Park. Pour le rejoindre, je suis passée devant le grand pélican, impérial sur son île.Les cygnes, les canards, les pigeons, les écureuils, et même quelques corbeaux joufflus, ne m’ont pas détournée de ma lecture... quand une libellule s’est posée sur le banc. Elle a fait un bruit sec en se posant à hauteur de ma tête. J’ai esquissé un geste vers mon appareil photo et elle s’est envolée. Puis des fils d’argent se sont mis à flotter dans l’air, emportés par la brise. J’ai aperçu au bout de cet étrange parachute, gigotant de toutes ses pattes, une petite araignée. En douceur, cet équipage s’est posé sur le banc. Il y avait là de quoi me réconcilier avec toute la gente arachnéenne de la terre, tellement il y avait eu de grâce dans cette arrivée.
Vers 17h, le temps s’est rafraîchi. J’ai quitté mon havre de paix pour Piccadilly Circus et son mouvement perpétuel. Une journée parfaite !

jeudi 23 septembre 2010

Aimables Etrusques

In the open room upon the courtyard of the Palazzo Vitelleschi lie a few sarcophagi of stone, with the effigies carved on top, something as the dead crusaders in English churches. And here, in Tarquinia, the effigies are more like crusaders than usual, for some lie flat on their backs, and have a dog at their feet; whereas usually the carved figure of the dead rears up as if alive, from the lid of the tomb, resting upon one elbow, and gazing out proudly, sternly. If it is a man, his body is exposed to just below the navel, and he holds in his hand the sacred patera, or mundum, the round saucer with the raised knob in the centre, which represents the round germ of heaven and earth. And this patera, this symbol, is almost invariably found in the hand of a dead man. But if the dead is a woman her dress falls in soft gathers from her throat, she wears splendid jewellery, and she holds in her hand not the mundum, but the mirror, the box of essence, the pomegranate, some symbols of her reflected nature, or of her woman's quality. But she, too, is given a proud, haughty look, as is the man: for she belongs to the sacred families that rule and that read the signs.
Sketches of Etruscan Places de D.H. Lawrence
Quand j’ai pris ces photos au Louvre, ce que les effigies de ces Etrusques tenaient dans leurs mains m'a évidemment intriguée. Mais j’ai un peu oublié de chercher. Heureusement que D.H. Lawrence avait été plus curieux que moi... Il ajoute : « If we want to see what the Etruscans buried there we must go to the (...) British Museum in London, and see vases and statues, bronzes, sarcophagi and jewels. »
Ai-je besoin de préciser que c’est là que je vais filer dès la fin de mes réunions de la journée ?

mercredi 22 septembre 2010

Jouer au fantôme

Les photos sont petites. Il faut approcher son visage très près pour distinguer les traits de D.H. Lawrence. Autour des images jaunies se trouvent les témoignages des écrivains qui ont permis la publication de Lady Chatterley’s Lover dans les années soixante, au bout d’un procès de cinq jours, plus de 30 ans après sa complétion. Il avait un drôle de visage D.H. Lawrence et des yeux très doux. La plupart des photos le représentent assis alors que dans mon esprit – peut-être parce que je suis en train de lire Sketches of Etruscan Places - , il est toujours par monts et par vaux. A l’étage au-dessus le premier ministre William Pitt, sur le tableau de John Hoppner, se tient lui fièrement debout. Son portrait voisine avec l’immense toile intitulée The anti-slavery society convention 1840 de Benjamin Robert Haydon. Tout cela me rappelait que la veille j’avais vu le film Amazing Grace sur l’abolition de l’esclavage. A la National Portrait Gallery j’avais la confirmation que tout cela avait bien existé. Pitt avait posé pour ce tableau, D.H Lawrence pour ces photos. Reflets qui me semblaient plus vivants que moi-même. Cette dernière phrase peut donner l’impression que je n’allais pas très bien... Au contraire ! C’est bien de jouer les fantômes. Parce qu’on flotte, on peut se balader partout sans se fatiguer. Fantôme, on peut se faire bronzer en traversant la Tamise sous un splendide soleil, en se promenant du côté de la Tate Modern. Fantôme, on peut aller prendre un verre et bouquiner sur un banc face à Saint Paul.Fantôme, quand le soleil se couche, son énergie redouble. C’est le moment de reprendre forme humaine. On a tellement souri pendant sa journée que le monde où l’on reprend pied semble doux et apaisé.

mardi 21 septembre 2010

L’automne sur le toit fait un bruit de pigeon (Philippe Soupault)

J’ai pris cette photo au temple Honen-in de Kyôtô (ici).
Quand un poète japonais voulait célébrer l’automne, il puisait habituellement dans les thèmes suivants:


L'arrivée de l’automne
La Voie Lactée
La lune
Regarder la lune
Regarder les feuilles
Les couleurs des feuilles
Les premières feuilles de couleur
Les feuilles qui brillent
Les feuilles qui commencent à tomber
Les insectes
Le criquet
La poire nashi, le cognassier, la pêche, le kaki, les pommes, les raisins
Les épouvantails
La fête d'automne
Les feux qui accueillent les esprits des ancêtres
La fin de l'automne

Contrairement à la saison japonaise, mon automne sera partagé entre des figures obligées (multiplication des réunions, heures debout devant la photocopieuse, retour des étudiants sur les bancs de l’université) mais aussi par un programme libre assez excitant :


Gauguin à la Tate Modern
Le Livre des Morts égyptien au British Museum
Canaletto et consorts à la National Gallery
Les Trésors des musées de Budapest à la Royal Academy
Hamlet au National Theatre
Les fantômes japonais à l’Ashmolean Museum de Oxford
Utamaro à la Ikon Gallery de Birmingham
Le London Film Festival
Un nouveau téléphone

lundi 20 septembre 2010

Le dernier jour de l’été

Le premier mois de l’été, j’ai travaillé et je me suis peu amusée.
Le deuxième mois de l’été, je me suis bien reposée et bien amusée.Le troisième mois de l’été, je me suis amusée et je me suis remise à travailler.Un été bien équilibré somme toute !
L’été va donc démonter son petit théâtre... si je ferme les yeux je revois les fourmis de mon anniversaire, l’atelier de Delacroix, Baudelaire et Wagner, et mes petites escapades à Winchester. J’ai bien aimé mon été.

dimanche 19 septembre 2010

Sunday champêtre

J’ai toujours eu la hantise des « promenades digestives » du dimanche après-midi. Toute la famille est là, on a bien déjeuné, et nous voilà tous dans le vestibule à enfiler notre manteau pour aller prendre l’air. Je ne vois pas l’intérêt qu’il y a à se promener dans une ville quasi morte ou à tourner autour d’un jardin public après le déjeuner dominical sans autre but que de s’aérer ou de se dégourdir les jambes. Sortir pour sortir autant aller loin, dans un endroit où il y a de l’animation, des lumières, de la chaleur... A Tours par exemple, traverser des rues aux rideaux baissés m’importe peu si le but de ma visite est une salle de cinéma. Dimanche dernier, j’étais chez une amie, on discutait tranquillement sur son canapé en sirotant un café, un oeil sur la télé française (source inépuisable de fous rires d’autant plus que l’insupportable Linda Lemay y chantait son dernier tube nunuche) quand soudain elle a suggéré une promenade dans le parc voisin. Non, merci. Rien à faire, ça m’angoisse. Pourtant... pourtant... rien de plus réconfortant que de faire cette promenade dominicale tant abhorrée ailleurs, dans un village de l’Angleterre profonde, à mille lieues de tout cinéma ou musée ou magasin. Rien de plus plaisant que de traverser des ruelles désertes sous un ciel en deuil, de n’avoir pour spectacle qu’une rivière, des arbres parés pour l’automne, une petite église et son cimetière, un vieux pont, quelques vaches dans un champ. L’idée que peu d’heures nous séparent du lundi dans la grande ville avec son cortège de bruit et de fureur ne nous effleure jamais l’esprit. L’avenir se borne à la tasse de thé bien chaude qui nous accueillera à notre retour.
Il y a autant de manières d’occuper ses dimanches après-midi qu’il y a de façons de prononcer le Je t’aime final dans le poème ci-dessous. En voici deux versions : ici (dit par Pierre Brasseur) ou ici (dit par un sociétaire de la Comédie Française que l’on imagine grand, beau et sentant bon le sable chaud...)
Allo
Benjamin Péret

Mon avion en flammes mon château inondé de vin du Rhin
mon ghetto d'iris noirs mon oreille de cristal
mon rocher dévalant la falaise pour écraser le garde-champêtre
mon escargot d'opale mon moustique d'air
mon édredon de paradisiers ma chevelure d'écume noire
mon tombeau éclaté ma pluie de sauterelles rouges
mon île volante mon raisin de turquoise
ma collision d'autos folles et prudentes ma plate-bande sauvage
mon pistil de pissenlit projeté dans mon oeil
mon oignon de tulipe dans le cerveau
ma gazelle égarée dans un cinéma des boulevards
ma cassette de soleil mon fruit de volcan
mon rire d'étang caché où vont se noyer les prophètes distraits
mon inondation de cassis mon papillon de morille
ma cascade bleue comme une lame de fond qui fait le printemps
mon revolver de corail dont la bouche m'attire comme l'oeil d'un puits scintillant
glacé comme le miroir où tu contemples la fuite des oiseaux mouches de ton regard perdu dans une exposition de blanc encadrée de momies
je t'aime

samedi 18 septembre 2010

Les deux Benedict

Depuis que Benedict est à Londres, la colombe de l’esprit saint – ou serait-ce une volée d’hélicoptères ? - nous survole jour et nuit, les sirènes de la police font à nos tympans le même effet que les trompettes au mur de Jéricho, et comme tous ses déplacements désorganisent un peu plus la circulation, les bus sont aussi bondés que ne l’était l’arche de Noé.Il y a un autre Benedict qui a quand même plus d’effets positifs sur ma vie : celui qui lit La Métamorphose de Kafka, tous les samedis soirs sur Radio 7. En lisant la nouvelle je me demandais quelle serait ma réaction si soudain quelqu’un que je connaissais était transformé en cafard... Nous connaissons la souffrance de Gregor de l’intérieur, on ne comprend pas les réactions de rejet de son entourage et, bien sûr, on se dit qu’on ne lui voudrait pas de mal, qu’on le nourrirait, qu’on continuerait à l’aimer, nous ! Mais cet après-midi, dans un de ces bus pleins comme un « oeuf Benedict » (ici) - miam! -, à ma très grande honte, j’ai compris que dans l’éventualité de la métamorphose d’un de mes proches en un insecte gluant, je ferais comme la bonne (et peut-être pire...) : je demanderais mes gages et je m’enfuirais comme si j’avais le diable à mes trousses !
En effet, dans le bus il y avait un homme avec un sac à dos très encombrant. Il bouchait le passage, ne connaissait pas son chemin, il bousculait les passagers... A un moment donné, j’ai eu ce sac à dos sous le nez, quand j’ai aperçu, qui se baladait sur son sac à dos, un énorme hanneton. J’ai eu une de ces frousses ! En grommelant, j’ai ramassé mes affaires et je suis partie me réfugier au fond du bus, sans quitter des yeux les allées et venues du sac à dos... et de son locataire, l’affreux hanneton. Pauvre Gregor Samsa, quel sort affreux t’aurais-je fait subir ?

vendredi 17 septembre 2010

Home sweet home

Marée haute
Pour aller voir la ville
Les mouettes sont parties

Iida Dakotsu
(La mouette volait vers l’île de Wight)

Les mouettes doivent-elles se rendre en ville pour se nourrir ? Quant à moi, trois jours d’affilée de visites à la ville, me font languir pour le calme de mon quartier et son train train quotidien.

jeudi 16 septembre 2010

Surtout rester calme

Avis de raz-de-marée
Au milieu des conseils de prudence
Je fais cuire du riz

Izuma Shunka

Je fais cuire du riz: j’aime le calme, le pragmatisme, qui ressort de cette phrase. Ça m’encourage à cuire calmement mon riz, alors que tout menace de me submerger.